OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les Unes des quotidiens disséquées http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/ http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/#comments Sat, 06 Aug 2011 14:56:54 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=75525 Bon alors, ils ont quoi dans les tripes les rédacteurs en chef du Monde, du Figaro ou de Libération ? Sont-ils fabriqués dans le même moule ? S’intéressent-ils tous aux mêmes sujets ? Difficile à savoir sans pratiquer d’autopsie, et étrangement, les principaux intéressés n’ont pas l’air de vouloir se laisser approcher par un bistouri. Ne pouvant donc pas pratiquer selon les méthodes pourtant éprouvées de l’ami Dexter, il n’y a qu’une solution pour répondre à la question : passer au scanner leurs choix de Une. Bref, regarder de près le fruit de leurs entrailles.

Si la méthode est moins médicale, elle est riche d’enseignements journalistiques. C’est ainsi qu’il y a quelques mois, nous avions pu déceler les symptômes de sarkozyte aigüe, à tendance immobilière et franc-maçonne, qui frappait de plein fouet les rédacteurs en chef du Nouvel Obs, de L’Express et du Point.

Alors, docteur, quels ont été les sujets les plus traités, les plus mis en valeur par les trois principaux quotidiens nationaux français ? Une fois que l’on a épluché les 384 Unes du Monde, du Figaro et de Libé entre mars et juin dernier, quel est le diagnostic ? Les analyses du labo sont formelles. On retrouve les traces récurrentes des mêmes quatre principaux sujets, qui ont représenté la bagatelle de 242 titres en Une au total : le Japon, la Libye, DSK, et Ben Laden.

À votre avis, quel sujet est le plus revenu à la Une ? À vous de voter.

L’affaire DSK ? Vous y avez pensé, avouez-le mauvaises langues ! J’en soupçonne même un ou deux d’avoir commencé à affuter les arguments pour fustiger les médias qui, décidément, ne s’intéressent qu’au superflu pendant que le monde flambe. Eh bien non ! La fièvre DSK a certes touché l’ensemble de nos rédacteurs en chef, mais sans plus. Les analyses le prouvent, avec 42 mentions à la Une en quatre mois pour les trois journaux, son “taux d’occupation de Une” est nettement au-dessus de la moyenne, mais rien de mortel là-dedans.

Bien sûr, tous les patients ne sont pas égaux devant ce genre de virus. Ainsi Le Figaro semble avoir été nettement plus touché que ses confrères en plaçant 20 fois DSK à la Une devant Libération (13 fois) et Le Monde (9 fois).

Et ce n’est pas la seule surprise lorsque l’on regarde les résultats complets de l’autopsie :

Un grand merci à Agnès Stienne qui a résumé en un graphique (à droite sur l'image) mon long billet... Comme quoi, une mise en scène efficace vaut souvent mieux que quelques milliers de signes !

Même la mort de Ben Laden n’a finalement pas beaucoup touché nos rédacteurs en chef. Alors que tout semblait réuni pour faire de cette info un véritable virus de Une pendant des semaines et des semaines, la disparition de l’homme le plus recherché de la planète n’aura finalement été qu’un “bouton” rapidement disparu, une fièvre très passagère. Le Figaro n’y aura consacré que 6 titres de Unes au total, Libération 5 (dont un numéro spécial) et Le Monde 4…

L’incroyable succession de catastrophes ayant frappé le Japon, le bilan particulièrement lourd (10 000 morts et 17 000 disparus), la psychose nucléaire, tous les ingrédients étaient réunis pour en faire LE sujet n°1 de ces quatre mois. Et le score est en effet honorable, exceptionnel même par rapport à une année “normale” : 26 titres de Unes pour Le Monde, 23 pour Le Figaro et 13 pour Libération, auxquels il faut ajouter un numéro spécial Japon de Libé et un autre du Monde.

Mais le sujet champion toutes catégories de ce début d’année, la fièvre qui a véritablement touché nos rédacteurs en chef, c’est bel et bien le conflit libyen qui semble être monté directement aux cerveaux de nos patients. Si Libération en a beaucoup parlé en Une (21 fois en quatre mois), Le Monde (44) et surtout Le Figaro en ont proposé une couverture quasi non-stop en vitrine. Pour Le Figaro, on retrouve en effet les traces de quelques 61 titres de Une consacrés à la Libye sur les 96 analysées. En mars, par exemple, à une seule exception près (le vendredi 15), Le Figaro a toujours consacré au moins l’un de ses titres de Unes à la Libye. Impressionnant !

Et la poussée de fièvre a été aussi longue qu’intense, puisqu’elle a duré pendant les quatre mois passés en revue. Au total, chez nos amis du Figaro, la Libye a été à la Une près d’un jour sur deux sur cette période !

Comment expliquer cela ? Difficile… Bien sûr, il faut prendre en compte les différences mêmes de construction de Unes des trois quotidiens. Celle du Figaro proposant nettement plus de titres chaque jour que celle de Libération ou du Monde, il n’est pas étonnant que la récurrence de certains sujets y soit plus importante.

Application de la fameuse “loi” journalistique du mort-kilomètre ?

On pourrait imaginer qu’une sorte de “répartition” naturelle se fait entre les trois titres concurrents. Lorsque Le Figaro et Libération décident de monter en Une très, très souvent le conflit libyen, le quotidien du soir joue une petite musique différente en se consacrant plus au Japon (deux fois plus que Libé par exemple). On pourrait aussi penser que la fameuse et cynique loi du mort-kilomètre, que l’on enseigne dans toutes les écoles de journalisme, est toujours valable en 2011, tout du moins dans le cerveau des rédacteurs en chef. 1 600 morts à 3 000 kilomètres intéressent plus les journalistes que 10 000 morts 10 000 kilomètres.

Sans pouvoir donner un diagnostic simple expliquant tous ces choix (on n’est pas chez le Dr House ici, l’alchimie de la construction des Unes par une équipe au fil des mois est on ne peut plus complexe), se pencher sur ces différences de choix et de hiérarchisation d’une actualité foisonnante est intéressant.

Quand Libé utilise visiblement sa Une en misant sur l’événement qui efface tout le reste de l’actualité (Ben Laden, DSK ou le Japon seuls en Une avec une photo pleine page), Le Figaro semble vouloir jouer la carte de la fidélisation en feuilletonnant un maximum. Le Monde, lui, s’installe dans la durée, dans le droit de suite en étant le seul des trois quotidien à s’intéresser aussi longuement au Japon, avec encore trois sujets en Une au mois de mai (aucun pour Libé, un seul pour Le Figaro).

Cette autopsie permet au passage de relever quelques symptômes inattendus et bénins. Ainsi, Le Monde qui semble avoir fait une poussée d’antigalonnite à la mi-mars. Jusqu’au 14 mars, à chaque fois que le quotidien du soir évoque le leader libyen en Une, il titre ” le colonel Kadhafi “. À partir du 15 mars, le grade de celui-ci disparaît systématiquement pour faire place à un simple “Kadhafi “.

Le Figaro quant à lui, est le seul des trois patients a avoir montré des signes de sinclairose légère en mettant deux fois à la Une l’épouse de DSK (24 mai et 10 juin). Allez, on referme le frigo et on garde les spécimens au frais. Quelque chose me dit qu’il sera intéressant de continuer à les disséquer dans les mois à venir. Une pandémie du virus 2012 se profile à l’horizon…


Article initialement publié sur Cross Média Consulting sous le titre : “Autopsie des rédac’s chef de Libé, Le Monde, Le Figaro

Crédits Photo FlickR CC by-nc gelle.dk

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http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/feed/ 4
Qui a peur du grand méchant Twitter? http://owni.fr/2011/08/03/qui-a-peur-du-grand-mechant-twitter/ http://owni.fr/2011/08/03/qui-a-peur-du-grand-mechant-twitter/#comments Wed, 03 Aug 2011 13:20:00 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=75284 Twitter ou ne pas twitter, telle est désormais la question dans bon nombre de rédactions. Et l’on réclame des chartes, des guides, bref, tout un arsenal car, au fond, beaucoup de journalistes ont la trouille du numérique, des réseaux sociaux en général et de Twitter en particulier. Pourquoi ?

Sur Twitter, le journaliste est à poil devant ses lecteurs

Twitter n’est pas un outil corporate destiné à faire la publicité du média pour lequel on travaille, ce n’est pas une page Facebook gérée par un community manager ou un jeune journaliste un peu geek (souvent en CDD)… Non, sur Twitter, le journaliste est tout seul. Pas de médiateurs comme on les aime tant dans les rédactions, personne pour sélectionner les commentaires les plus intelligents, les plus constructifs ou ceux qui permettent opportunément de mettre en valeur le formidable travail des journalistes. Non, sur Twitter, le journaliste est à poil devant ses lecteurs. Il lui faut répondre lui-même, expliquer, débattre, argumenter, connaître son sujet. Il y fera face à des argumentations parfois pertinentes, retorses, idiotes ou provocatrices.

Bref, sur Twitter, les journalistes sont devant leurs lecteurs. Et ça, pour un certain nombre d’entre nous, c’est une petite révolution. Car mine de rien, et sans paraphraser Desproges, on peut faire une brillante carrière de journaliste sans rencontrer ses lecteurs. C’est même souvent plus confortable pour tout avouer. On rencontre des collègues, des élus, des communicants, des chefs d’entreprises, des syndicalistes, des présidents d’associations, bref, tous ceux qui ont un rôle “officiel” et qui, d’une façon ou d’une autre, doivent communiquer. Mais des lecteurs, ceux qui chaque jour, chaque semaine, déboursent quelques euros pour nous lire, pas si souvent que ça, et c’est un euphémisme.

Partout dans le monde, Twitter questionne le journalisme

Twitter casse les codes du respect dû aux anciens

(ou comment s’y faire tutoyer par des petits cons)

Du coup, lorsqu’il n’y a pas de filtre, la plèbe se lâche et oublie parfois le respect dû non seulement aux aînés mais aussi et surtout aux journalistes ! On s’y fait tutoyer comme n’importe quel quidam, ce que tout le monde n’est pas prêt à supporter :

Et l’on a beau être un journaliste expérimenté, reconnu, travaillant dans un média national, on se retrouve parfois à devoir débattre avec des gamins à peine sortis de l’école de journalisme et qui, en plus, ont des avis bien arrêtés ! Mais si certains ne l’acceptent pas, d’autre savent se prêter au jeu :

Sur Twitter, les erreurs sont plus vite repérées

L’avantage d’écrire dans le journal ou de causer dans le poste, c’est qu’on y est seul et que ceux qui nous lisent ou nous écoutent le sont souvent aussi. Bref, c’est chacun chez soi et Dieu pour tous.

Du coup, quand une erreur, une approximation ou une superbe connerie se glisse dans un article (si,si, ça arrive je vous jure), les dégâts sont limités. Rien ne dit que le lecteur / téléspectateur esseulé va la repérer et si c’est le cas, il grommelle dans son coin sans plus. Seuls quelques très motivés, les ronchons de service, iront allumer leur ordinateur (ou pire, prendre leur plume) pour envoyer un commentaire ou une correction bien sentie.

Pas de quoi faire trembler un journaliste. Pour peu que ce commentaire soit accompagné d’une réflexion acide ou d’un trait d’humour un peu trop féroce, il a de fortes chances de rester bloqué dans l’une des barrières érigées au fur et à mesure que les lecteurs essayent de prendre la parole.
Au pire du pire, le commentaire sera bien en ligne, mais noyé au milieu des autres tout en bas de l’article en question (comme sur mon blog) et si le courrier de lecteurs paraît (en petit, sans photo et dans une mise en page austère), on lui fera une réponse cinglante et sans retour à l’envoyeur possible.

Sur Twitter, rien de cela. Quand un journaliste écrit une connerie, il est à peu près certain qu’elle sera repérée et que cela se répandra comme une traînée de poudre. Moi le premier :

Pire, certains ne se contentent plus de relever les erreurs et de le dire, ils utilisent carrément les réseaux et les blogs pour dénoncer méthodiquement les articles idiots. C’est ainsi que François Hauter, journaliste au Figaro, a pu voir l’un de ses articles vertement critiqué par deux journalistes-blogueuses, Virginie Lominet (@laristocraft) :

et Gaëlle-Marie Zimmermann (@LaPeste) :

Elles ne se sont pas contentées de pester dans leur coin contre cet article hautement critiquable, mais ont publiquement pris à parti le journaliste sur leurs blogs et sites respectifs, Le Plus et Twitter, rendant ainsi leurs réponses publiques et très diffusées (elles comptent à elles-deux un peu plus de 7 000 followers et les deux billets doivent totaliser au moins 10 000 lectures).

Sur Twitter, on ne lave plus notre linge sale en famille

Sur Twitter, les journalistes parlent entre eux, ce qui n’a rien de révolutionnaire (encore que…). Comme dans n’importe quelle rédaction normalement constituée (là aussi, encore que…) ils débattent entre eux, n’y sont pas d’accord, et parfois même s’y engueulent un peu sur des sujets importants. Mais cette fois, c’est en public et les internautes peuvent intervenir, réfuter, abonder, s’en foutre ou participer.

Lorsque Johan Hufnagel, co-fondateur de Slate.fr, Jean-Christophe Féraud de Libération, Eric Mettout de L’Express.fr, Fabrice Arfi et Christope Gueugneau de Médiapart se lancent dans une discussion journalistique de fond (est-il de la responsabilité des médias de reprendre une bonne info sortie par un confrère/concurrent ?), les arguments volent, le ton monte parfois et les échanges sont vifs. Mais cela ne se fait pas dans le secret d’une salle de réunion ou d’un bistrot, mais “en public” ou presque.

C’est risqué (un peu), passionnant (souvent), inutile (parfois) et inédit dans une profession habituée à ne jamais ouvrir ses portes au public pour autre chose que pour les auto-célébrations de ses anniversaires (“il est beau mon n° 1000, regardez comme on est forts”).

Lire de bas en haut et de gauche à droite

Twitter? Bonjour les emmerdes !

En résumé, pour les journalistes, le numérique, les réseaux et Twitter en particulier, ce ne sont que des emmerdes. Il faut y parler avec des lecteurs ou des internautes qui se permettent de vous y tutoyer, il faut s’y justifier, faire attention à ce qu’on y écrit sous peine d’être repris, corrigé, “clashé”. Et même entre confrères on n’est plus tranquilles.

Non, vraiment, pourquoi utiliser les réseaux ? Pourquoi aller sur Twitter ?

Exactement pour les mêmes raisons, justement.

Sur Twitter, on rencontre des lecteurs, des internautes, et c’est ça qui est passionnant

Et comme le dit Eric Mettout dans l’un de ses derniers billets, “les journalistes ont longtemps fait comme si leurs lecteurs n’existaient pas – pour être exact : une majorité de journalistes font toujours comme si les lecteurs n’existaient pas. Tâcher de savoir qui ils sont, ce qu’ils pensent, comment ils réagissent, d’où ils viennent, pourquoi ils viennent, ou ne viennent pas, entrer en contact avec eux, leur donner la parole, voire quelques clés, ce n’est pas se soumettre aux lois du plus grand nombre et du plus petit dénominateur commun, c’est reconnaître qu’on n’envoie pas nos articles dans le cosmos mais sur une planète pleine de gens bizarres qui nous lisent – ou dont on aimerait bien qu’ils nous lisent “.

Échanger, réfléchir, débattre librement entre journalistes et lecteurs, cela vaut bien un tutoiement intempestif non ?

Sur Twitter, pas de barrières.

Pour les journalistes, et particulièrement pour les jeunes journalistes, c’est une opportunité nouvelle. Pour la première fois, un journaliste débutant peut dialoguer facilement et comme il le souhaite avec des confrères expérimentés, des rédacteurs en chefs de médias nationaux, échanger avec lui, ne pas être d’accord, apprendre.

Pour les journalistes qui travaillent seuls ou presque, et ils sont un paquet (pigistes, correspondants, dans les agences locales des grands journaux de PQR, médias dans lesquels les conférences de rédaction sont réduites à leur plus simple expression…), les réseaux sont aussi une formidable occasion d’échanger, réfléchir, discuter entre confrères. Cela vaut bien un petit tutoiement intempestif envers nos glorieux (hum…) aînés non ?

Sur Twitter, les erreurs sont vite repérées.

Tant mieux ! Chaque année, l’enquête de nos confrères de Télérama nous le rappelle : une grande majorité du public n’a pas confiance en nous. Nous faisons, et c’est normal, des erreurs dans tous nos journaux, dans toutes nos éditions. Mais nous crevons de ne pas les reconnaître et d’avoir tant de mal à les corriger.
Arrêtons de nous planquer derrière des droits de réponses à envoyer dans-les-délais-par-recommandé-avec-accusé-de-réception-et-pas-au-journaliste-qui-a-signé-mais-au-directeur-de-publication-sinon-mon-pauvre-monsieur-on-ne-peut-pas-le-passer.

On a écrit une connerie, une approximation ? Ce n’est ni la première, ni la dernière, nous ne sommes pas des spécialistes de tous les sujets que l’on traite et heureusement. Alors, écoutons ce que les autres ont à nous dire, prenons leurs réflexions en compte, corrigeons si besoin. Tout le monde en sortira gagnant.

Sur Twitter, on ne lave plus notre linge sale en famille.

Ça tombe bien, il semblerait que notre lessive ne soit pas très efficace… La presse généraliste va mal depuis 15 ans au moins, les audiences des JT s’effritent presque toutes, le public se défie des journalistes plutôt que de leur faire confiance. Bref, les débats que nous tenons (ou pas) dans le secret de nos salles de rédaction ne semblent pas avoir été suffisants pour trouver la formule magique. Que risquons-nous à, de temps en temps, parler de tout ça en public ?

Twitter n’est ni le paradis ni l’enfer des journalistes. On peut très bien vivre sa vie de journaliste sans y être, on peut considérer (parfois légitimement) que cela prend trop de temps. Il n’y a, heureusement, pas de règle absolue et rien n’oblige un journaliste à aller sur Twitter et sur les réseaux sociaux. Mais lorsqu’on décide de les utiliser, on peut en retirer des choses très intéressantes pour faire son métier de journaliste à condition d’accepter de se mettre (un peu) en danger et de parler aux autres, n’en déplaise aux ronchons de tous poils !


Article initialement publié sur Cross Media Consulting, sous le titre “Pourquoi Twitter fait-il tellement peur à certains journalistes ?”

Illustrations CC Flickr cdharrison,luc legay, 200moremontrealstencils

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http://owni.fr/2011/08/03/qui-a-peur-du-grand-mechant-twitter/feed/ 20
Classer les écoles de journalisme? Oui, mais… http://owni.fr/2011/06/26/classer-les-ecoles-de-journalisme-oui-mais%e2%80%a6/ http://owni.fr/2011/06/26/classer-les-ecoles-de-journalisme-oui-mais%e2%80%a6/#comments Sun, 26 Jun 2011 16:26:55 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=71873 C’était le buzz de la semaine dans le petit monde journalistique. Un classement des écoles de journalisme, pensez-donc ! L’occasion de régler les vieux contentieux. Les Nordistes de l’ESJ et les Parisiens du CFJ n’en avaient pas assez de s’affronter sur des terrains de foot depuis des années (et je ne ferai à personne l’offense de rappeler certains scores), un classement allait mettre tout le monde d’accord sur l’institution qui allait pouvoir se vanter d’être “la meilleure école de journalisme de France”.

Et pas seulement eux ! Sciences-Po, le CUEJ, le Celsa, l’IPJ, les IUT et j’en oublie forcément, avec ce classement des 30 premières écoles de journalisme, Street Press s’assurait une lecture attentive, amusée et parfois énervée de milliers d’anciens de ces écoles. Le site ne s’en cache d’ailleurs pas, cet article, c’est aussi une façon d’appliquer aux écoles de journalisme cette manne des classements que les anciens de ces mêmes établissements sont les premiers à appliquer lorsqu’ils travaillent au Point, au Nouvel Obs, à Challenges ou à l’Express. Hôpitaux, universités, facs, universités, prépas, crèches, écoles de commerce, fortunes les journalistes adorent classer, souvent, beaucoup car cela fait vendre du papier (lire mon billet “Dans la tête des rédacteurs en chef des hebdos ?“).

Le classement des écoles de journalisme, c’était donc un bon coup éditorial, une idée amusante et inédite, je ne crois pas en avoir déjà lu un autre avant. Une poussée de visites et de pages vue pour le site, et il n’y a là rien de répréhensible.

Mieux, même, le classement réserve quelques surprises, comme cette belle 3è marche du podium revenant à l’IUT de Lannion qui talonne ainsi les deux “prestigieux” établissement lillois et parisien pour lesquels Street press se garde de trancher en leur offrant une (légèrement) hypocrite première place ex-aequo.

Et bien évidemment, le tout a buzzé dès sa mise en ligne, ce jeudi 23 juin. Twitter ne bruissait que de ça, ou presque, toute la matinée (ça m’apprendra à avoir autant de journalistes dans ma Time Line). Ca chambrait ici ou là, cela criait victoire pour les anciens de Lannion ou de Tours, cela criait au scandale pour les écoles qui n’étaient pas présentes dans le classement telles que l’IJBA de Bordeaux

Une offre pléthorique

Alors, faut-il un classement des écoles de journalisme ? Oui, pourquoi pas, tant l’offre dans ce secteur est devenu pléthorique et souvent peu compréhensible. Mais cela ne suffira pas forcément à orienter les candidats à notre beau métier, comme l’explique Marc Cappelle, directeur de l’ESJ-Lille (1er ex-aequo du classement donc) :

Je crois important de mettre un peu d’ordre dans le paysage de la formation au journalisme en France. Il y a effectivement une centaine de lieux de formation, publics et privés, reconnus et non reconnus. Or, je ne suis pas certain que pour cela un “classement” soit suffisant pour éclairer la lanterne des futurs étudiants. Le travail mené par la CNMJ (Conférence nationale des métiers du journalisme) me semble ici autrement plus important. Il s’agit de mettre en place un référentiel commun de formation qui permettra d’harmoniser les critères de reconnaissance de la profession et les attentes du MESR (Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche). Les membres de la CNMJ (les 13 écoles actuellement reconnues, la Commission nationale paritaire pour l’emploi des journalistes, les services du MESR…) ont beaucoup travaillé depuis quelques mois sous la présidence de Patrick Pépin. Une réunion publique à Paris, le 29 septembre, permettra de livrer le résultat des travaux. Je pense qu’à ce moment-là, tout le monde disposera d’éléments d’appréciation qui permettront de dire si tel ou tel cursus de formation au journalisme est sérieux ou non.

Un avis partagé par Christophe Deloire, directeur du CFJ : “Pourquoi pas, mais il ne faut pas avoir la religion des classements. Il y a un vrai manque de clarté dans les 80 à 100 formations qui existent aujourd’hui en France et c’est un souci pour les candidats. Si un classement peut les aider, c’est un outil de plus, mais cela dépend vraiment des critères et de la méthodologie utilisées. Je pense que le travail menée actuellement par la CNMJ sera beaucoup plus utile pour y voir plus clair“.

Quant au classement de son école, Marc Capelle a le triomphe modeste : “La place de l’ESJ en tête de ce classement n’est pas vraiment une surprise. Je ne sais pas si le taux de placement des étudiants à la sortie de écoles était un critère, mais c’est aussi un point important (et sur ce plan aussi l’ESJ est fort bien placée). Il est intéressant de constater que des formations qui diplôment à des niveaux différents (l’ESJ et Lannion, par exemple) se classent bien. C’est en l’occurrence – pour l’instant – une spécificité française : la qualité professionnelle de la formation est plus important que le niveau de diplôme “.

Tout comme Christophe Deloire : “Pour être franc, nous n’avions pas besoin d’un classement pour nous confirmer que nous êtions dans les toutes meilleures formations, il ne faut donc pas lui donner trop d’importance. Les nombreux prix qui ont été remportés par les étudiants sont à mon avis plus révélateurs de la qualité d’une école. Cette année, le CFJ a tout raflé en télévision et en a reçu de nombreux en presse écrite et en radio“.

Critères en question

Les critères, voilà l’un des reproches que l’on peut adresser au classement de Street press qui n’en a retenu que trois, ce qui est bien peu : la sélectivité et l’attractivité, les moyens pédagogiques et l’avis des recruteurs. Ce sont de bons critères, mais ils ne sont pas assez nombreux et ne sont, pour certains, pas assez précis. Les moyens pédagogiques sont ainsi notés en fonction du nombre d’heures de cours, du nombre d’encadrants dans l’équipe pédagogique et du nombre de caméras vidéos par rapport au nombre d’étudiants.

Le spectre des écoles passées à la loupe est lui aussi trop étroit. Avec 30 écoles dans le classement et quatre qui n’ont pas répondu aux sollicitations du site, Street press n’a jaugé qu’un tiers des écoles de journalisme du pays, avec un gros manque : les formations professionnelles. Un “oubli” très représentatif d’un problème plus général dans la formation des journalistes en France, explique Marc Mentré, de l’Ecole des métiers de l’information à Paris :

Le classement de Streetpress ne tient pas compte des formations professionnelles en journalisme. Cela est du à plusieurs facteurs. Les écoles de journalisme ont construit leur modèle de sélection sur celui des écoles d’ingénieur, qui est un modèle d’hypersélectivité: classes préparatoires, concours où il y a mille candidats pour une cinquantaine de places, etc. Résultat de ce système, en France, le diplôme obtenu en formation initiale est prépondérant dans la construction d’un parcours professionnel, puisque ce sont les “meilleurs”, avec des guillemets, car les critères de sélection sont purement scolaires, qui ont été sélectionnés. Le journalisme n’échappe pas à ce modèle.

L’une des conséquences de ce système est qu’il est très difficile de changer d’orientation professionnelle, car celui qui le fait est toujours “suspect”. Il l’est tout d’abord, car il n’a pas le choix initial de s’engager dans telle ou telle profession et donc d’entrer dans le processus de sélection qui y mène. En quelque sorte, dans sa jeunesse, il n’a pas “joué le jeu”. Il l’est ensuite, car quelque soit la qualité de la formation professionnelle, il ne saurait prétendre se situer “à égalité” avec un diplômé d’une École, puisqu’il n’aura pas été dans sa jeunesse “hypersélectionné”. Je ne développe pas, des flots d’encre ont été écrits sur cette question.


En bref, cela signifie que dans notre inconscient collectif, il n’existe de formation qu’initiale, et que la légitimité de la formation professionnelle continue est toujours questionnée. C’est l’une des raisons de fond qui explique l’absence des écoles de formation continue dans le classement Streepress. En France, il existe 13 écoles reconnues par la profession, c’est-à-dire par la commission nationale paritaire de l’emploi des journalistes. Ce sont toutes des écoles de formation initiale. La commission ne s’est jamais penchée sur les formations dispensées dans le cadre de la formation professionnelle. Si l’on prend ce critère, on n’a aucune chance de retrouver avant 2211, au mieux, une formation continue “reconnue par la profession”. Cela dit, Streetpress ne s’est pas appuyé sur ce critère, puisqu’il y 30 écoles dans son classement. Alors pourquoi pas de formation continue ?

Gérard Larcher a lancé une réforme ambitieuse, baptisée “formation tout au long de la vie” qui se traduit concrètement par ce que l’on appelle la “certification”, c’est-à-dire que les organismes de formation continue doivent délivrer un “certificat de qualification professionnelle”, qui certifie que son titulaire “maîtrise les compétences, aptitudes et connaissances nécessaires à l’exercice d’une ou plusieurs activités qualifiées”. Il s’agit d’un diplôme d’État offrant une équivalence universitaire, qui est inscrit au Répertoire national des certification professionnel. Une réforme essentielle, mais longue et complexe à mettre à œuvre par les centres de formation, car elle exige de définir précisément les différentes tâches qui constituent un métier, d’en établir le mode de validation, etc.

Mais en dehors des cercles étroits de la formation professionnelle (et des journalistes sociaux) qui connaît réellement cette réforme et ses implications ? Tout cela n’empêche pas que les organismes de formation continue forment chaque année des dizaines de journalistes professionnels, qui s’insèrent dans les rédactions. Au fond c’est ça l’essentiel “.

Alors, faut-il un classement des écoles de journalisme ? Oui, pourquoi pas. Mais il lui faudra être plus large dans sa sélection et plus précis dans ses critères pour être véritablement pertinent. En attendant, les anciens contniuent de se “tirer la bourre”, et ça, c’est toujours amusant à observer !


Article initialement paru sur Cross Media Consulting
Crédits Wikimedia Commons by-sa Smilen.milev / FlickR CC by-nc-nd SDEurope

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http://owni.fr/2011/06/26/classer-les-ecoles-de-journalisme-oui-mais%e2%80%a6/feed/ 14
La PQR doit-elle trembler face à Groupon (et tous les autres)? http://owni.fr/2011/06/23/la-pqr-doit-elle-trembler-face-a-groupon-et-tous-les-autres/ http://owni.fr/2011/06/23/la-pqr-doit-elle-trembler-face-a-groupon-et-tous-les-autres/#comments Thu, 23 Jun 2011 10:19:21 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=70823 Groupon a ouvert le bal des achats groupés en France, et quel bal !
Aujourd’hui, le géant américain propose à ses abonnés la bagatelle de 1.500 deals par mois dans plus de 30 villes de France. Au 1er trimestre 2011, Groupon était consulté par 7,5 millions de visiteurs uniques par mois, devenant ainsi le 6ème site marchand de France ! Il emploie 400 personnes et le panier moyen des achats qui y sont effectués par les internautes et de 40€ avec une réduction moyenne de 60% par rapport au tarif « public ».
Un succès qui en a inspiré plus d’un puisqu’aujourd’hui, on ne compte pas moins d’une cinquantaine de sites de deals et d’achat groupés. Autant d’acteurs qui viennent s’attaquer de front au marché de la publicité locale et donc aux empires de PQR qui doivent préparer leur réponse..

C’est en tout l’avis de Jonathan Besnaïnou (lire l’interview ci-dessous), cofondateur d’Ohmydeal, un site qui regroupe l’ensemble des offres d’achat groupé.
Certains ne se sont d’ailleurs pas trompés, puisque Nice-Matin et La Provence ont déjà dégainé leur propre site d’achat groupés, i-Deals. En Belgique, Groupon a aussi mis un pied, où il compte déjà plus de 700.000 abonnés à sa newsletter et le groupe Rossel vient tout juste de racheter 64% de Groupolitan, qui compte 250.000 abonnés. Et l’on voit fleurir depuis quelque temps des deals sur maville.com. repris dans la version papier d’Ouest-France… La riposte s’organise…

Quel est l’état du marché du deal en France ?

Jonathan Besnaïnou : Il y a aujourd’hui plus d’une cinquantaine de sites d’achats groupés en France qui se sont développés au cours des 18 derniers mois, le premier entrant ayant été Citydeal en février 2010, racheté par Groupon pour s’implanter en Europe à peine quelques mois après sa création.
La première vague d’acteurs s’est concentrée sur la réplique exacte du concept et a donné lieu à la naissance de startups comme Clubdeal ou Bon-Privé (qui a depuis levé 1,5M€) et de structures issues de groupes tels que KGB Deals (Groupe 118 218, lancement en mars 2010) et Letrader (Groupe Astek, lancement en mars 2010).
La deuxième tendance majeure a été la naissance d’acteurs de niches se focalisant sur des cibles ou des produits bien définis. Un exemple vertueux de cette stratégie a été Dealissime, qui s’est rapidement spécialisé avec succès sur le haut-de-gamme féminin avant de se faire racheter il y a quelques jours par Living Social, deuxième acteur américain et concurrent historique de Groupon. La diversité de ces acteurs de niche est impressionnante et se développe de jour en jour : étudiants, enfants, familles, bio, lunettes, auto-moto, vins, voyages, spectacles, high-tech,  aujourd’hui tout s’achète groupé. Cette multiplication d’acteurs a naturellement engendré la naissance d’un nouveau type de service sur le marché : les agrégateurs d’offres, à l’instar d’Ohmydeal que j’ai cofondé en 2010 ou encore du groupe Pages Jaunes  avec 123deal, qui regroupent la totalité des deals et permettent aux consommateurs d’accéder à leurs offres préférées en quelques clics.

Certains acteurs historiques du e-commerce qui se sont lancés dans le secteur avec diverses stratégies ; les cashbackers proposent désormais leurs offres au sein de leur plate-forme (Ebuyclub avec le MegaDeal, Igraal avec le ideal du jour), tout comme Vente-privée.com et Cdiscount (respectivement  Rosedeals et Clesdeals), tandis que d’autres comme les spécialistes du coffret cadeaux Wonderbox et Smartbox y dédient un site externe (Wonderdeal et Lookingo qui est le 2ème acteur français).
Il existe aujourd’hui plus de 4.000 sites d’achat groupé dans le monde, dont près de 500 aux États-Unis, et l’enjeu d’une concentration éventuelle du secteur est crucial ; si certains pensent que plusieurs « petits acteurs » vont être amenés à mourir prochainement, je fais partie de ceux qui pensent que le secteur va continuer à s’enrichir d’acteurs positionnés intelligemment et/ou bénéficiant de synergies fortes avec leurs activités existantes,  comme l’audience pour les sites éditeurs de contenus.

Comment fonctionnent exactement les sites de deals ?

Prenons l’exemple d’un restaurant japonais décidant de réaliser une promotion avec un site d’achats groupés partenaire afin d’attirer de nouveaux consommateurs :

Étape 1 : Structuration du deal – Le site et le restaurant décident ensemble des conditions de l’offre : choix du produit offert, du niveau de réduction (quasiment prédéterminé en fonction de la catégorie de l’offre), de la marge du site partenaire (Groupon exerce des marges de l’ordre de 50% tandis que les autres acteurs sont plutôt autour de 30%), plafond du nombre d’acheteurs (selon le succès des sites / pour assurer un service irréprochable du commerce). Une fois les conditions choisies, l’offre est insérée dans un calendrier qui doit respecter une certaine alternance des deals présentés.

= Coupon : Un menu soupe+sushis+makis pour 10€ au lieu de 20€

Étape 2 : Mise en ligne et validation du deal – L’offre est mise en ligne pour une durée limitée (entre 24 heures et 72 heures le plus souvent) et diffusée aux membres du site via un email dédié. Les internautes achètent le deal sur le site partenaire et attendent la validation du coupon qui avait autrefois lieu lors de l’atteinte du tipping point, nombre minimum d’acheteurs à réunir pour bénéficier de la réduction et « activer » l’offre. Ce concept  n’est quasiment plus actif (ou le nombre minimum à atteindre est très bas) et les offres sont aujourd’hui automatiquement validées.

= 87 personnes ont acheté ce deal : l’offre est validée

Étape 3 : Prestation du restaurant et reversement de la commission par le site – Une fois le deal validé, les clients peuvent imprimer leur coupon et en bénéficier dans le restaurant selon les conditions établies (durée de l’offre, spécificités d’utilisation, etc.). La commission est ensuite reversée au commerce avec des modalités divergentes selon les sites d’achats groupés ; chez Groupon par exemple, le restaurant doit remplir un fichier avec le code de sécurité de chaque coupon après utilisation et le renvoyer quand il le désire afin de toucher sa commission sous 72 heures.

Le site d’achats groupés garde l’ensemble des recettes des coupons non utilisés.

La puissance du modèle réside dans sa capacité à créer une véritable valeur ajoutée à chacune des parties prenantes du système : le commerce reçoit de nouveaux clients séduits par une offre d’appel,  le consommateur réalise une excellente affaire dans son quartier, et le site d’achats groupés joue le rôle du parfait intermédiaire imprimant une marge confortable.

Tous les Groupon-like rentrent donc en concurrence directe avec les groupes de PQR ?

Groupon répond à un besoin fort pour les enseignes de proximité en offrant un système de marketing à la performance présenté comme « sans risque » (le bad buzz suite à la fermeture d’un commerce belge ayant utilisé Groupon aura remis à plat certaines pratiques douteuses du site leader, rectifiées depuis, voir ici). Le marché de la publicité locale en France représente plus de 500.000 annonceurs et s’élève à plus de 10Mds d’euros (source France Pub) ; seule une part infime est attribuée au web et c’est bien sur cette ligne « historique » à faible intensité concurrentielle que se placent les sites d’achats groupés.

Que doivent faire les groupes de PQR face à cette nouvelle concurrence ? Lancer leur propre site, comme Nice-Matin, s’allier avec des acteurs existant?

L’évolution du marché américain de l’achat groupé montre qu’il constitue un enjeu clé pour les éditeurs de contenus, et notamment les sites de presse. Forts d’une puissante audience naturelle, d’une certaine autorité sur le bon plan local, et pour certains d’une force commerciale établie, les grands journaux américains à l’instar du New York Times, de McClatchy Company, du Washington Post ou du San Francisco Chronicle ont pris le virage de l’achat groupé et proposent aujourd’hui du daily deal à leurs lecteurs (voir l’excellente infographie de l’INMA à ce sujet ici)
Pour ces éditeurs, plusieurs portes d’entrée sont possibles selon leur existant et leurs objectifs :

  • Affiliation : aujourd’hui, la plupart des sites d’achat groupé proposent des campagnes d’affiliation via des plateformes donnant ainsi la possibilité à tout site de diffuser leurs offres contre une rémunération au CPL (coût par lead/inscription) et CPA (Coût par Achat soit une commission située entre 5 et 12%)
  • Co-branding : un partenariat de marque grise peut être noué entre un site éditeur et un site d’achats groupés qui utilisera un espace dédié. C’est le choix du Washington Post qui a choisi le service de Living Social
  • White label : un service clé en main est offert au site éditeur qui diffuse ainsi des offres propres pré-négociées par le partenaire.
  • Do It Yourself : la technologie ne représentant pas une forte barrière à l’entrée et certains éditeurs ayant déjà des équipes de commerciaux, l’alternative de mettre en place le service en interne peut s’avérer pertinent. C’est le choix du New York Times avec le service Times Limited.
  • Talent acquisition : plusieurs équipes évoluent sur ce marché depuis plusieurs mois et l’absorption de l’une d’elles pour développer le bon produit est une alternative à considérer

Bien entendu, les groupes de PQR ont quelques atouts à faire valoir eux aussi pour défendre « leur » marché et leurs annonceurs locaux : fidélité, confiance dans la marque, forte audience et influence… Pourtant, ils ne peuvent pas regarder ce phénomène se développer à grande vitesse sans essayer de l’apprivoiser.

Le système Groupon n’a pas que des avantage pour les annonceurs, comme le rappelle Jonathan dans cette interview en faisant référence aux « mauvais buzz » déclenchés ici ou là par des commerçants déçus (Témoignage en vidéo sur Techcrunch, [en]), le risque est double pour les acteurs traditionnels : soit Groupon et les autres sites de Deals continuent de se développer et de s’approprier une part de du gâteau de plus en plus importante des annonceurs locaux, soit ils déçoivent un grand nombre de ces derniers et « abiment » le marché pour ceux qui resteront derrière.


Billet initialement publié sur Cross Media Consulting

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http://owni.fr/2011/06/23/la-pqr-doit-elle-trembler-face-a-groupon-et-tous-les-autres/feed/ 9
Internet, le paradis de la diffamation? http://owni.fr/2011/05/31/internet-diffamation/ http://owni.fr/2011/05/31/internet-diffamation/#comments Tue, 31 May 2011 06:31:37 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=64997 Les réseaux sociaux, paradis de la diffamation ? Si l’on en croit une étude évoquée dans un article publié lundi 9 mai par l’université de Montréal, 15% des décisions judiciaires liées au web 2.0 rendues au Canada ou aux États-Unis concernent la diffamation. Un chiffre qui monterait à 49% pour la France !

Et les journalistes dans tout cela ? En un clic, voilà votre article diffusé à un public bien plus large que vos lecteurs habituels, transmis de comptes Facebook en profils Twitter et se répand à travers le monde et les supports. Mais imaginons un instant que, tout bon professionnel que vous êtes, vous laissiez passer ces quelques lignes maladroites, cette petite citation pernicieuse qui pourraient bien se transformer en jolie petite diffamation devant un tribunal ? Que se passerait-il ?

Car s’il est facile de retirer un article ou une phrase d’un site, comment faire lorsqu’il a été repris, échangé, s’est multiplié un peu partout grâce à Facebook et Twitter et continue d’être consultable sur des blogs ?

C’est la question sur laquelle nous nous sommes penchés avec Tris, juriste et blogueuse sur www.crise-de-foi.com et qui a signé, notamment, un très intéressant billet sur les risques légaux des “tweets-clash”.

Selon une étude canadienne, 15% des décisions de justice américaines concernant le web 2.0 portent sur la diffamation

Imaginons un site média professionnel publiant un contenu tombant sous le coup de la diffamation, retirant celui-ci mais qu’il reste toujours consultable, les journalistes et éditeurs sont-ils condamnables alors qu’ils n’ont pas la possibilité technique de supprimer ce contenu consultable ailleurs ?

Il convient déjà de qualifier et de définir la diffamation, c’est ce que j’avais fait dans mon précédent article sur les “tweetclash”.

Si une information est qualifiée de diffamante par un juge, si elle a été énoncée par un journaliste, le journaliste en lui-même n’est pas responsable mais l’organe auquel il appartient l’est, au regard de l’article 1384 du Code Civil, sur la responsabilité des employeurs du fait de leurs salariés. Donc le journaliste en lui-même est considéré comme irresponsable, sauf à ce que l’organe auquel il appartient entame une action récursoire. Plus communément, on dit que le patron se retourne contre son salarié. C’est rare mais cela arrive.

Quant à l’organe de presse, qu’il s’agisse d’une presse traditionnelle (papier) ou d’un nouveau média (type Mediapart, Numérama, Rue89 & co), on leur applique la loi de 1881 sur la presse, qui a été un peu adaptée par la LCEN de 2004. La personne s’estimant diffamée peut alors demander un droit de réponse. Si la personne l’obtient et en fait usage, elle ne peut alors pas se retourner contre l’organe de presse : le litige s’arrête ici.

Si l’organe de presse est condamné par un magistrat, il doit retirer l’information. La problématique va devenir bien épineuse si elle a été dupliquée. A ce moment-là, ce n’est plus l’organe de presse qui est responsable, je vous rappelle qu’on ne peut pas être condamné deux fois pour la même chose, mais les éditeurs qui ont dupliqué le contenu litigieux.

Auquel cas, la personne s’estimant diffamée doit se retourner contre les éditeurs qui ont dupliqué l’information diffamante et qui ne l’ont pas retiré après jugement ni publié le droit de réponse. Exemple concret : l’information litigieuse est entièrement copiée sur un blog sur lequel l’organe de presse à l’origine de l’information, n’a aucune prise, c’est la personne qui tient le blog qui est responsable, ni l’organe de presse ni l’hébergeur du blog.

C’est typiquement une chaîne de responsabilité :

En clair :

  • La personne ayant obtenu un jugement estimant qu’il y a eu diffamation peut se retourner contre l’organe de presse à l’origine de l’information litigieuse et demander des dommages et intérêts
  • La personne peut ensuite se retourner contre un éditeur de contenu qui aurait dupliqué l’information
  • Si l’éditeur du contenu dupliqué ne peut ou ne veut pas supprimer le contenu litigieux, la personne diffamée se retourne alors contre l’hébergeur du contenu
  • Si l’hébergeur ne veut pas non plus supprimer le contenu litigieux, la personne peut également se retourner contre l’hébergeur
  • L’organe de presse peut se retourner contre le journaliste à l’origine de l’information diffamante via une action récursoire
  • L’hébergeur peut se retourner contre l’éditeur de contenu si ce dernier persiste à remettre l’information litigieuse toujours via l’action récursoire

Qui a dit que le droit était compliqué ?

Il faut vérifier les liens que l’on partage. Une statistique avait démontré qu’une bonne partie des personnes qui partageaient des liens ne prenaient pas la peine de les vérifier ni de lire ce qu’ils retweetaient

Si l’info continue de circuler, la personne mise en cause peut-elle se retourner contre Facebook ou Twitter ?

Facebook et Twitter se contentent de dupliquer un lien vers une page, pas de dupliquer le contenu en lui-même. Quand on fait partager un lien sur Facebook, si la page a été supprimée, les personnes qui y sont arrivées via Facebook n’y ont pas accès. Même chose pour Twitter. On tweete un lien, pas le contenu du lien, Facebook et Twitter n’ont pas de responsabilité.

La seule responsabilité éventuelle pourrait être celle de Facebook si la personne a procédé à un copier-coller du contenu litigieux sur sa propre page, en écrivant un article par exemple. Auquel cas, Facebook reste un hébergeur et ne pourra voir sa responsabilité mise en cause que si l’éditeur n’a pas supprimé le contenu malgré l’avertissement qui lui a été notifié.

La question ne se pose évidemment pas pour Twitter où seuls les tweets litigieux peuvent faire l’objet d’une suppression et la personne émettant des messages litigieux peut voir son compte suspendu voire supprimé ainsi que cela a été le cas dans l’affaire Mixbeat V. Maître Eolas, le premier ayant vu son compte Twitter momentanément suspendu grâce à un report massif en tant que spam, du fait qu’il avait dévoilé l’identité supposée réelle de Maître Eolas. L’auto-régulation des internautes n’est donc pas une légende urbaine et cet exemple en est une très belle illustration.

L’information est de plus en plus facile à propager, à partager, mais cela ne veut pas pour autant dire que l’on ne doit pas vérifier les liens que l’on partage. Ainsi une statistique concernant Twitter avait démontré qu’une bonne partie des personnes qui partageaient des liens ne prenaient pas la peine de les vérifier ni de lire ce qu’ils retweetaient.

Les journalistes ne sont également pas à l’abri d’un impair et la volonté affichée de certains organes de chercher à tout prix le « scoop », le « buzz » fait qu’ils ont tendance à prendre certaines informations sans s’assurer de leur véracité. C’est dommage et cela ne donne pas bonne presse justement à la presse numérique.

Quelles sont les conditions d’un droit de réponse en ligne ?

Les conditions de mise en application du droit de réponse en ligne sont les mêmes que celles du droit de réponse de la presse traditionnelle.

Si nous prenons l’exemple d’une personne à qui l’on aurait fait tenir des propos qu’elle n’aurait pas tenu. Exemple : Machin révèle tout sur tel sujet ! Exclusif !

Or le dit Machin n’est pas au courant. S’il veut exercer un droit de réponse, il lui suffit de prendre contact avec le rédacteur en chef de la publication qui aurait édité les propos en question et de lui indiquer qu’il souhaite exercer son droit de réponse en vertu de la lecture combinée de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la fameuse LCEN de 2004. Dans la mesure où les éditeurs de presse sont dans l’obligation de tenir un “ours numérique”. Si le rédacteur en chef ne souhaite pas laisser la personne exercer son droit de réponse, cette dernière peut alors introduire une action en justice.


Article initialement publié sur le blog de Erwann Gaucher Cross-Media Consulting

Photo flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification foreverdigital PaternitéPas de modification yago1.com

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5 idées plus ou moins reçues sur les films à la télé http://owni.fr/2011/05/13/5-idees-plus-ou-moins-recues-sur-les-films-a-la-tele/ http://owni.fr/2011/05/13/5-idees-plus-ou-moins-recues-sur-les-films-a-la-tele/#comments Fri, 13 May 2011 16:19:29 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=62607

Ce qui est bien avec les statistiques, c’est que c’est généralement plus efficace que l’horoscope dans la vie de tous les jours. Ainsi, s’il vous prend la folle envie de regarder un film à la télé, sur l’une des chaînes historiques (TF1, France 2, France 3, France 5, Arte ou M6),  vous pouvez  déjà deviner comment cela se passera, ou presque. Dans la plupart des cas, vous vous taperez un film français, à partie de 22h30, que vous avez déjà vu trois fois au moins. Ça fait envie hein ?

C’est ce qui ressort du rapport du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée, à consulter ici) qui passe au crible tous les films diffusés sur ces chaînes depuis 1990. Des chiffres qui permettent de confirmer, ou non, quelques idées reçues sur la télé.

« Y’a de moins en moins de films à la télé »… FAUX

A contrario de bien des idées reçues, le nombre de films diffusés sur les chaînes généralistes n’a pas baissé ces dernières années, il est au contraire en en augmentation quasi constante.
En 1992, TF1, France 2, France 3, France 5, Arte et M6 avaient diffusé 841 films au total. Dix ans après, en 2002, ils en diffusaient 972 et en 2009, le total était de 1 070.

« Aujourd’hui, les films sont réservés aux insomniaques »… VRAI

Une chose est sûre : si vous êtes cinéphiles, mieux vaut être un couche-tard !
En 1992, 56% des films (471) passaient en première partie de soirée. En 2009, ils n’étaient plus que 36% (390). Les insomniaques, eux, sont au comble du bonheur. Car les films n’ont pas été repoussés à la seconde partie de soirée, mais carrément à la nuit ! En 1992, les durs du sommeil n’avaient pas grand chose à se mettre sous la dent puisque seuls 31 films étaient diffusés de nuit dans l’année. En 2009, le chiffre a explosé pour atteindre 218 diffusions nocturnes, soit 20% du nombre total des films proposés sur les 6 chaînes historiques. C’est quasiment autant que le nombre de films proposés en seconde partie de soirée (251)…

« Y’a plus que des films américains à la télé »… FAUX

Si les séries américaines se taillent la part du lion, côté films, la France reste largement majoritaire, politique de quota oblige. En 1992, 433 films made in France ont été proposés, soit 51% des films diffusés à la télé. En 2009, le nombre de films français était en augmentation (482), mais proportionnellement en recul (45%). Légèrement au-dessus du quota de 40% imposé par la loi.
Ce que l’on remarque aussi, c’est que l’institution du film français de 20h30 a elle aussi du plomb dans l’aile (de coq, bien sûr), puisqu’en 17 ans, on est passé de 58% de diffusion en première partie de soirée à 34% pour les films français…

Côté Hollywood, pas de révolution. 249 films américains avaient été diffusés en 1992 contre 336 en 2009, ce qui reste à peu près équivalent proportionnellement.
Plus surprenant, les deux chaînes les plus américanophiles ne sont pas forcément celles que l’on croit puisqu’il s’agit d’Arte (81 films US en 2009) et France 3 (77), devant TF1 (75), France 2 (53) et M6 (48).

« On l’a vu 20 fois ce film »… VRAI

20 fois, peut-être pas, mais au moins trois fois, oui ! En 2009, 51% des films diffusés sur ces chaînes étaient ce que l’on appelle des « diffusions de rang 3 au moins », c’est-à-dire qu’ils ont été diffusés trois fois au moins sur les autres chaînes généralistes gratuites. Du vu, du revu, et même du re-revu pour la majorité des films en somme.
Des chiffres nettement supérieurs à ceux des films diffusés en exclusivité qui représentaient 32% des films diffusés en 2009.

« Y’a que des vieux films en plus »… FAUX

Et non, ce n’est pas parce qu’on nous repasse tout le temps les mêmes films qu’ils sont vieux. L’écrasante majorité des longs-métrages diffusés ont en effet moins de dix ans. Les films de trente ans ou plus ne représentent que 28% des films.

Billet initialement publié sur Cross Media Consulting

Image Flickr PaternitéPas de modification Certains droits réservés par Jeffhubbard

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Mort de Ben Laden : l’étrange communication de l’Élysée http://owni.fr/2011/05/02/mort-ben-laden-etrange-communication-elysee/ http://owni.fr/2011/05/02/mort-ben-laden-etrange-communication-elysee/#comments Mon, 02 May 2011 14:07:09 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=60544

Pour les victimes du 11 septembre 2001, justice est faite.

Un dialogue tiré du dernier western des frères Cohen ? Une réplique d’un film de Charles Bronson ? Non : un message laissé sur le compte Twitter officiel de l’Élysée ce lundi 2 mai un peu avant 9 heures, à propos de la mort de Ben Laden.

Que s’est-il donc passé ? Le community manager de l’Élysée se serait-il lâché ? Au service communication de la présidence, se dirait-on que sur Twitter on peut oublier la réserve habituelle de la communication officielle dans laquelle, généralement, on ne prêche pas la loi du talion ?

Même pas puisque si l’on regarde de plus près le site de l’Élysée, on se rend compte que cette phrase se retrouve dans le communiqué officiel mis en ligne :

Une étonnante conception de la justice

Serais-je donc le seul choqué lorsque je lis que la présidence de la République estime que la mort de Ben Laden permet d’affirmer que « Justice est faite » ? La conception de la justice dans un pays qui s’apprête à célébrer le 30ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort (le 9 octobre prochain) aurait-elle évolué à ce point ?

A moins, me souffle-t-on ici ou là, qu’il ne s’agisse que d’une maladresse commise en voulant traduire les propos d’Obama ? C’est effectivement ce qui semble s’être passé, Obama ayant effectivement bien prononcé ces paroles – qui m’ont de prime abord échappé – dans son discours d’hier soir. (Au temps pour moi, et merci à ceux qui m’ont corrigé)

Malgré tout, le fond de mon billet ne change pas, et je reste très surpris de retrouver ces mots dans la réaction officielle de l’Élysée. Surtout lorsque je lis, ailleurs dans le discours d’Obama ces autres mots :

Et finalement, la semaine dernière, j’ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice

Finalement, c’est donc le président américain, pays ayant été la victime du 11 septembre et dont plusieurs États appliquent toujours la peine de mort, qui appelait à traduire Ben Laden en justice. Pendant ce temps, en France, l’Élysée se contentait donc pour sa part d’estimer que « Justice est faite ». Non en traduisant les mots du président américain, non pas en les commentant, mais en donnant en ces quelques simples et terribles mots, son avis.

C’est tout, et c’est déjà beaucoup.


Article initialement publié sur le blog de Erwann gaucher Cross Media Consulting

Photo flickr CC Jostwinz


Retrouvez notre dossier :

L’image de Une en CC pour OWNI par Marion Boucharlat

Ben Laden dans les archives des services secrets par Guillaume Dasquié

Les 300 000 morts de la guerre contre le terrorisme par Jean Marc Manach

L’ami caché d’Islamabad par David Servenay

Photoshop l’a tuer par André Gunthert

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2012 : tournant du journalisme web http://owni.fr/2011/04/13/2012-tournant-du-journalisme-web/ http://owni.fr/2011/04/13/2012-tournant-du-journalisme-web/#comments Wed, 13 Apr 2011 08:00:40 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=56568 2012 ne sera pas une année comme les autres dans PDF (Paysage Digital Français). Présidentielles obligent, les desks numériques vont eux aussi chauffer et le journalisme en ligne tiendra là l’occasion de se faire enfin une vraie place auprès des aînés. Mais surtout, il pourrait bien changer, si ce n’est la face du monde, du moins la physionomie de cette grand messe électorale, mère de toutes les batailles politiques (et deux clichés en une phrase, deux !).
Investigation, data journalisme et fact-checking pourraient changer la donne médiatique de 2012. Tour d’horizon d’une année charnière pour le web-journalisme en trois points.

Pour la première fois, il faudra compter avec les pure-players

Comme les bons vins, les pure players se bonifient en prenant de l’âge. 2012 devrait donc être pour eux l’année de la maturité. Si leur arrivée dans le paysage a été remarquée, l’année constituera pour la plupart le plus grand rendez-vous d’actualité française qu’ils auront eu à traiter, mais ils auront eu pour cela le recul et l’expérience de grands événements pour les mettre en jambe (notamment en ce début d’année 2011).

Rue89, Médiapart, Slate et les autres sont désormais des médias à part entière, reconnus comme tels par le grand public. Leurs équipes sont structurées, expérimentées et pèseront dans le grand baroud médiatique de 2012. Charge à eux de prouver qu’ils peuvent apporter autre chose et renouveler le genre éculé de la couverture médiatique d’une présidentielle.

Si les historiques sont attendus au tournant de la présidentielle, les nouveaux devraient eux aussi essayer de bousculer les règles du genre. Owni sera sans doute l’un des plus observés, et devrait être à la pointe des nouveaux formats journalistiques tels que le journalisme de données, le fact-checking ou le serious game. La mise en scène de l’information devrait elle aussi connaître une dimension nouvelle dans le traitement de la campagne.

La nouvelle donne des réseaux et du participatif

Théorisée par Alice Antheaume, la “rédaction secrète du web” sera-t-elle encore de mise en 2012 ? Cette solidarité, ou tout au moins cette capacité à travailler en commun d’un média à l’autre, aura-t-elle encore cours en pleine année présidentielle, période décisive pour les marques médias ? Plus crucial encore : quelle sera la place des réseaux sociaux, des wikis et de l’info participative en général dans cette présidentielle ?
Encore majoritairement ignorés par les hommes et femmes politiques français, les réseaux et le participatif pourraient faire irruption dans la campagne de façon tonitruante. Karl-Theodor zu Guttenberg, le ministre de la défense allemand, en a fait les frais il y a peu en voyant les internautes débusquer et mettre à jour le plagiat de sa thèse de doctorat (lire toute l’histoire racontée par Frédéric Lemaître dans Le Monde). Les candidats à l’élection de 2012 ont-ils pris conscience de cette nouvelle dimension de l’info ? Réponse dans quelques mois…

Fact-checking et droit de suite

Fondamentalement, les deux axes du web-journalisme qui pourraient vraiment changer la donne en 2012 sont le droit de suite et le fact-checking. Dans un édito du 8 avril 2010, sur France Inter et Slate.fr, Thomas Legrand pointait déjà du doigt cette dimension et annonçait, avec raison, qu’elle jouerait un rôle inédit dans la prochaine présidentielle.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Jusqu’ici confinés au traitement humoristique popularisé par Le Grand Journal de Canal+, le fact-checking et le droit de suite pourraient gagner leurs lettres de noblesse en 2012. Le mouvement s’accélère et outre les pure-players, de nombreux médias “traditionnels” essayent de se mettre en ordre de bataille pour appliquer ces deux préceptes au grand rendez-vous de l’année prochaine.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les rédactions web seront sans doute au rendez-vous de ces nouvelles pratiques journalistiques. On peut du moins l’espérer. Mais qu’en sera-t-il des autres médias ? La télévision, notamment, saura-t-elle enfin saisir cette opportunité ? Quelle chaîne osera proposer un débat entre candidats ou politiques dans lequel le fact-checking aurait enfin sa place ? Une émission pendant laquelle une équipe de journalistes pourrait vérifier, contre-dire, confirmer ou préciser les affirmations trop souvent péremptoires des uns et des autres ? Un débat où la contradiction ne serait pas amenée par l’un de ces éternels éditorialistes, qui ont couvert toutes les présidentielles de la Ve République ou presque, et qui ne serait pas idéologique mais factuelle ? Un journalisme version 2012, capable d’aller plus loin, de placer un candidat devant ses contradictions, de ressortir et diffuser des archives si besoin ?
Les journaux, eux, sauront-ils utiliser réellement leurs rédactions web et tirer profondément profit de leurs compétences, et non pas se limiter au “buzz” ?

De leur côté, les rédactions web auront-elles encore la capacité d’innover, d’étonner, de créer de nouveaux formats, de proposer un autre ton, une autre façon de fabriquer l’info ? Sauront-elles se faire une place dans ce qui reste le plus grand événement politique du pays, jusqu’ici ultra-dominé par les éditorialistes de tout poil et les “grandes signatures” souvent peu promptes à l’innovation ? Les web-journalistes des médias “traditionnels” sauront-ils gagner leur place et le respect de leurs confrères à cette occasion ?

Si le journalisme en ligne tient ses promesses, 2012 pourrait ne ressembler à aucune autre présidentielle… De quoi donner envie de relever le défi !

> Article publié initialement sur Cross Media Consulting sous le titre 2012 : une année décisive pour le journalisme web ?

> Illustrations Flickr CC A.Goffard et Mcarpentier

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La presse va toujours bien! http://owni.fr/2011/04/06/la-presse-va-toujours-bien/ http://owni.fr/2011/04/06/la-presse-va-toujours-bien/#comments Wed, 06 Apr 2011 06:30:42 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=55246 C’est toujours une grande tentation pour tous les malades : trafiquer le thermomètre pour (avoir l’impression de) se porter mieux. Et la presse écrite made in France n’est pas la dernière à succomber à cette tentation. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les chiffres 2010 de l’étude EPIC qui, chaque année, mesure l’audience des quotidiens de l’hexagone.

Comme tout le monde, je l’ai parcouru rapidement, mais c’est une phrase en particulier qui m’a interpellé : ” Près d’un Français sur deux lit chaque jour un quotidien. L’audience de la presse quotidienne se maintient à un haut niveau “.  C’est à n’y rien comprendre… La presse quotidienne va bien ? Un Français sur deux lit chaque jour un quotidien ? Celles et ceux qui expliquent que la presse quotidienne va mal se seraient donc gravement trompés ? Diantre, regardons cela de plus près ce fameux thermomètre.

Et attention, là, on n’est pas dans le thermomètre de grand-maman, qui se baserait seulement sur le nombre d’exemplaires vendus de chaque journaux pour en connaître la véritable diffusion. On est dans le méthodique, le pointu, puisque ce ne sont pas moins de 25 779 interviews qui ont été réalisées par téléphone  pour mesurer précisément, presque scientifiquement, l’audience des quotidiens nationaux et régionaux, des quotidiens urbains et gratuits, de la presse hebdo régionale, des quotidiens hippiques et des quotidiens du 7è jour. Le tout est ensuite compilé, exploité, pondéré pour un résultat chaque année semblable ou presque : la presse écrite se porte beaucoup mieux qu’on ne le dit. Et les résultats de l’étude 2010 ne dérogent pas à la règle, la preuve :

Capture d'écran 2011-04-05 à 08.55.46

La presse quotidienne en général va donc beaucoup mieux qu’on ne le dit ici ou là puisqu’elle affiche une santé globale très stable : -0,1% et que ses différentes famille se portent bien. Elle reste même un rendez-vous incontournable pour presque la moitié de la population puisque ” plus de 23 millions de personne, soit 46,3% des Français de 15 ans et plus lisent au moins un titre de presse quotidienne” nous explique-t-on. Les Cassandre de tout poil qui annoncent un peu partout la mort du papier, ou tout au moins sa très mauvaise santé, sont donc priés de se taire. ” Tout va très bien, madame la marquise “, aurait-on sans doute chanté en d’autres temps pour présenter cette étude…

Tout va très bien, madame la marquise, tout va très bien pour les quotidiens français

Il faut dire que pour en arriver à de tels résultats, les éditeurs et les sondeurs en charge de l’enquête ne ménagent pas leur peine. Chaque année, ce sont des dizaines de réunions, des centaines de mails qui sont échangés entre les représentants de chaque famille de presse pour négocier pied à pied la sensibilité des différents curseurs. Avec un objectif commun : présenter un bilan de santé le plus flatteur possible aux annonceurs. Car ces derniers, on le sait, n’investissent leur publicité que dans les médias qui vont bien, qui se développent, qui voient le nombre de leurs lecteurs augmenter.
Quitte pour cela, à réussir de véritables exploits en termes d’acrobaties statistiques. Car pour les non-initiés pourraient s’étonner des chiffres. Cette fameuse presse quotidienne par exemple, qui affiche une stabilité rassurante (pour les annonceurs) avec une audience qui ne recule que de 0,1% en 2010. Chiffre pour le moins étonnant lorsque l’on regarde les diffusions officielles (OJD) des mêmes journaux.

Si l’on cumule les ventes totales des quotidiens nationaux, quel résultat trouve-t-on ?

2009 2010
Aujourd’hui en France 187 786 173 576
La croix 103 738 106 151
Les Echos 127 361 120 444
Le Figaro 331 022 330 237
L’humanité 52 456 51 010
Libération 117 547 118 785
Le Monde 323 039 319 022
La Tribune 74 198 79 164
Diffusion totale 1 317 147 1 298 389

Soit 18 758 exemplaires vendus en moins en 2010 par rapport à 2009, un recul de 1,5%… C’est nettement plus que les -0,1% affichés par l’étude ça… Normal me direz-vous, vous oubliez des titres comme L’Equipe ! Oui, mais la diffusion du quotidien sportif affiche elle aussi un recul de -0,3% en 2010. Alors, quel est le vrai secret de cette bonne santé ? Les gratuits notamment, qui pour la bonne cause d’une diffusion de la famille sont intégrés dans la grande famille des quotidiens nationaux depuis 2005 : 20 Minutes, Direct Matin (édition nationale), Métro. Le Journal du Dimanche, ce quotidien qui sort une fois par semaine (oui, c’est un nouveau rythme de quotidien) fait lui aussi partie de la grande famille, option “quotidien du 7è jour”, même si lui ne paraît pas les six autres jours de la semaine.

On pourrait s’étonner de voir les éditeurs de presse payante, qui n’ont de cesse d’expliquer que sur le web l’info gratuite est un suicide, accueillir les gratuits à bras ouverts dans les études d’audiences. L’info gratuite, c’est sale uniquement quand c’est sur le web, c’est ça ?

L’info gratuite c’est l’ennemi absolu sur le web, mais on intègre les journaux gratuits dans les études d’audience sans problème…

C’est que voyez-vous, les quotidiens ne peuvent plus se montrer trop regardant sur celles et ceux qu’ils invitent à leur table. Car si la corrélation entre la diffusion payée et l’audience n’est pas automatique, la chute régulière et répétée des ventes finit malgré tout par se faire sentir dans les études. Du coup, il faut ratisser large pour faire malgré tout bonne figure et même les journaux hippiques tels que Bilto, Tiercé Magazine ou Paris Turf peuvent être de la fête ! Et il fallait bien cela pour diffuser des résultats présentables car du côté des quotidiens nationaux traditionnels, ceux-qui-paraissent-tous-les-jours-sont-généralistes-et-payants, on affiche une audience en berne de -2,7%

L’audience des journaux, c’est digne des meilleurs tours de Garcimore !

Mais il faut d’abord rappeler un distinguo important. Ici, monsieur, on ne parle pas simplement d’exemplaires vendus, on n’est pas de vulgaires boutiquiers. Non, ici, on parle d’audience, concept plus flou et qui a surtout l’avantage de laisser une marge de manœuvre beaucoup plus importante. L’audience, qu’est-ce donc ? Le nombre de personnes qui lisent chaque exemplaire vendu ? Plus seulement, soyons généreux et larges en inventant “ l’audience de moins de 8 jours ” pour les quotidiens, soit le ” Nombre de personnes en contact chaque semaine avec la marque au travers du quotidien, de son site Internet ou d’un supplément “. Prière de ne pas rire et même de savourer à sa juste valeur cette définition jésuitique au possible : “en contact avec la marque”… Avec un tel filet, ce serait un comble de ne pas pêcher un maximum de poissons en effet.

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Cette audience permet décidément de faire des choses fantastiques ! On se croirait presque dans un numéro du regretté Garcimore. Ainsi les quotidiens régionaux affichent-ils une santé insolente en 2010 : +0,3% Un chiffre d’autant plus méritoire que dans le même temps, le nombre d’exemplaires vendus est, lui, en recul.
En 2009, selon l’OJD, les quotidiens régionaux ont vendu chaque jour 5 221 377 exemplaires. En 2010? 5 112 247 exemplaires. Soit -2% en somme. Un résultat qui n’a rien de honteux, mais qui grâce à l’habileté scientifique de l’étude d’audience se change en +0,3% Elle n’est pas belle la vie ?

Moins de journaux vendus qu’en 2009, mais une audience en hausse… Elle est pas belle la vie avec les études d’audience ?

Capture d'écran 2011-04-05 à 08.56.13

Quant à savoir exactement comment se calcule le ration entre exemplaires vendus et audience officielle, chut, on ne demande pas ses “trucs” à un magicien. Du coup, celui qui essaye de comprendre par lui-même n’y retrouvera pas ses petits. Exemple avec les quotidiens nationaux :

2010 Lecteurs 2010 selon    étude EPIC Ratio
Aujourd’hui en France 173 576
La croix 106 151 476 000 4,4
Les Echos 120 444 609 000 5
Le Figaro 330 237 1 220 000 3,7
L’humanité 51 010 320 000 6,2
Libération 118 785 754 000 6,3
Le Monde 319 022 1 823 000 5,7
La Tribune 79 164 318 000 4

Pourquoi cette différence ? Les journaux n’ont pas le même lectorat c’est bien connu ! Rien d’étonnant à considérer que le lecteur de L’Huma est intrinsèquement plus partageur, tradition communiste oblige : plus de 6 lecteurs par journal vendu. Le lecteur du Figaro, suppôt du capitalisme libéral, est forcément pingre et individualiste. La preuve, il ne prête son exemplaire qu’à 3,7 personnes en moyenne.
Et que dire de L’Equipe qui réussit l’exploit d’avoir plus de lecteurs en 2010 (+1,6% selon l’étude) avec moins de journaux vendus (-0,3% selon l’OJD) ?

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La conclusion ? On vous l’a déjà dit : ça va mieux que si ça allait plus mal. La presse quotidienne “ se porte comme un charme ” nous assure même  l’agence Mymédias dans sa synthèse de l’audience EPIC. Tout cela n’est finalement qu’une question de dosage, comme l’anesthésie. Quand on en injecte trop, on ne se réveille pas toujours à temps.

>> Article publié initialement sur Cross Media Consulting

>> Photo FlickR CC Attribution Hamed Saber

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Libération se casse les dents en région http://owni.fr/2011/04/02/liberation-se-casse-les-dents-en-region/ http://owni.fr/2011/04/02/liberation-se-casse-les-dents-en-region/#comments Sat, 02 Apr 2011 13:45:04 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=54834

Libération est-il vraiment un quotidien national ? La question est volontairement provocante, mais elle est pourtant d’actualité depuis que l’on a appris la décision du journal de mettre fin à quatre de ses sept blogs locaux : LibéRennes, LibéLille, LibéStrasbourg et LibéOrléans.

Un choix révélé le 17 mars par le Mensuel de Rennes et qui met donc fin à une expérience de trois années du blog rennais de Libé, tenu depuis 2008 par Pierre-Henri Allain, correspondant-pigiste du journal en Bretagne depuis 1987. Trois années durant lesquelles il a été seul à piloter cette édition numérique locale du journal et à publier “au moins une histoire par jour “.

La raison invoquée par la rédaction en chef de Libération pour expliquer cette fermeture : “c’est une expérience que nous avons mené pendant 3 ans, mais il est difficile d’atteindre la taille critique pour trouver le bon modèle économique. Nous en tirons les conséquences et arrêtons ces quatre Libévilles pour pouvoir nous recentrer sur ceux installés dans des villes où nous disposons de correspondants permanents, explique Ludovic Blecher. Cela ne retire rien de la volonté de Libération d’être présent dans toutes les régions. Internet est l’endroit où l’on peut essayer ce type d’expérience, nous l’avons menée pendant trois années, mais il n’y a pas de modèle publicitaire. Ça nous fait mal au cœur d’arrêter cela, car nous y tenions, mais il n’y a pas de modèle économique basé sur la publicité ou sur les partenariats.

Il est vrai qu’avec 3.360 pages vues pas jour, LibéRennes par exemple, ne s’est pas imposé comme un rendez-vous incontournable de l’info locale. Mais à qui la faute ? Comme l’explique Pierre-Henri Allain, le journaliste en charge du blog : “Libé n’a jamais levé le petit doigt pour chercher des sources de revenus et n’a même pas donné suite à des annonceurs qui se proposaient de publier des pubs. La direction, qui nous a averti par courrier à la mi-février, nous a répété que la qualité de notre travail n’était pas en cause mais qu’ils avaient sans doute vu trop grand en voulant lancer coup sur coup autant de Libévilles sans avoir véritablement les moyens humains et financiers de les accompagner et de les développer. D’où un constat d’échec au final les obligeant à faire machine arrière.”

L’info locale demande des investissements conséquents pour réussir

Si le résultat n’était pas la fin de cette expérience, on pourrait s’amuser du discours contradictoire du journal : Libé a donc vu trop grand en voulant s’implanter ainsi dans les capitales régionales. Trop grand ? En confiant son implantation bretonne à un rédacteur isolé, au statut de pigiste avec un forfait mensuel de 20 piges ? Au contraire, Libé, comme beaucoup de médias nationaux lorsqu’ils veulent s’implanter localement a peut-être vu “trop petit” dans son expérience.

Une véritable ambition sur l’information locale aurait pourtant un sens pour Libé, comme pour tous les quotidiens nationaux. Mais l’info locale, comme l’info internationale ou nationale, est un vrai métier, demande une véritable expertise et des investissements conséquents pour réussir.

Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour deviner qu’il sera bien difficile de rendre rentable une présence régionale, quand bien même numérique et sous forme de blog avec un investissement si limité. On demande un papier quotidien à un journaliste pigiste et on espère que cela suffira pour que les presque 600.000 habitants de l’aire urbaine rennaise (pour ne parler que d’eux) se précipitent en masse sur le blog et que la publicité tombe toute seule.

Il n’y aurait donc pas besoin d’un commercial pour vendre, et le pigiste local est prié de se débrouiller seul, très seul comme l’explique Pierre-Henri Allain : “Les contacts avec la rédaction centrale se réduisent au minimum. Je les alerte lorsque j’estime qu’un de mes sujets mériterait une “remontée” en “home” sur libération.fr et ils me signalent de leur côté les “bonnes histoires” qui auraient pu m’échapper. Sinon aucune conf de rédac,  je suis entièrement libre de mes choix éditoriaux.”

Une liberté qui, si elle a ses bons côtés, peut aussi laisser penser que le journal ne suit qu’avec un intérêt très limité son blog local qui aura vécu sa vie seul pendant trois ans avant que le couperet tombe : fermeture. L’info régionale et locale, ce n’est pas de la magie, c’est un métier d’experts, comme les autres types d’infos, il ne suffit pas d’apposer une marque si prestigieuse soit elle pour que ça marche. Il faut aussi investir et s’investir pour avoir une chance de percer et les quotidiens nationaux se cassent régulièrement les dents sur cette problématique.

LibéRennes : en trois ans, “aucun sujet n’est passé sur Libé papier

Libération n’en est pourtant pas à sa première tentative pour s’implanter sérieusement “en région”, puisqu’ils avaient lancé Lyon Libération en 1986, expérience qui avait tenu jusqu’en 1993.

Car, du potentiel, les quotidiens nationaux en ont en dehors de Paris ! Les aires urbaines des quatre blogs que Libération s’apprête à fermer, représentent presque 2,8 millions d’habitants et des zones dans lesquelles le quotidien papier n’est vendu qu’à quelques (dizaines ?) de milliers d’exemplaires chaque jour. On voit la marge de progression et l’outil formidable qu’une édition numérique performante, innovante et soutenue peut représenter pour “installer” Libération dans les habitudes de consommation médias des lecteurs de ces zones.

À condition d’y investir de vrais moyens et de mettre en place une vraie synergie entre le quotidien national et ses blogs régionaux. Il est très révélateur de constater qu’en trois ans, sur les centaines d’articles rédigés par le journaliste local en charge de LibéRennes, “aucun sujet n’est passé sur Libé papier“. Dommage, cela aurait peut-être convaincu un peu plus de Rennais, d’Orléanais, de Strasbourgeois et de Lillois d’acheter cette édition papier qui, avec 118.717 exemplaires vendus chaque jour (OJD), se classe 16ème quotidien… régional de France seulement. Un coup de boost sur ses ventes “en région” ne serait donc pas de trop !

Une pétition à Orléans

La décision sera-t-elle maintenue ? Sans aucun doute, et elle laissera un goût amer à ceux qui y ont participé, mais aussi à tous ceux qui savent combien la demande d’info locale est forte et prête accueillir de vraies propositions alternatives.

A Orléans, une pétition a été mise en ligne pour demander à Nicolas Demorand, nouveau patron du titre, de ne pas fermer LibéOrléans. Elle a déjà recueilli un peu plus de 400 signatures. Les mauvaises langues diront que c’est sans doute plus que les ventes quotidiennes du journal dans la ville d’Orléans. Les optimistes répondront que cela permettra peut-être à Libé de changer d’avis et de prouver que le journal a plus d’ambition que d’être un quotidien parisien, réalisé par des Parisiens pour des Parisiens…

Billet initialement publié sur Cross Media Consulting sous le titre “Libération se casse les dents à Rennes, Orléans, Strasbourg et Lille”

Image Flickr AttributionNoncommercialShare Alike Chris Daniel

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