OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un nouvel appendice pour l’espèce humaine? http://owni.fr/2011/04/21/de-la-teratologie-a-lere-numerique/ http://owni.fr/2011/04/21/de-la-teratologie-a-lere-numerique/#comments Thu, 21 Apr 2011 10:20:09 +0000 Xavier de la Porte http://owni.fr/?p=57259 La lecture de la semaine, il s’agit d’un article mis en ligne le 18 mars dernier sur le site de l’hebdomadaire américain The Nation, il s’intitule : “My monster, My Self”; “Mon monstre, mon Moi”, et on le doit à Gary Greenberg, psychothérapeute. Le papier d’origine est très long, son cœur consiste en une critique des livres de Nicholas Carr, The Shallows, et William Powers Hamlet’s BlackBlerry. Critique intéressante, mais je n’ai gardé que le début et la fin de l’article, qui en concentre la thèse. Extraits.

“Un autre membre ou un truc dans le genre”

“Il y a trois ans environ, une famille a fait irruption dans mon cabinet, elle venait pour la première fois. Le père avait de bonnes joues, les cheveux bouclés et un air de chien battu ; la mère, qui était à l’initiative de la consultation, était parfaitement coiffée et maquillée. Leur fille, sujet de la visite, était une jolie jeune fille de quinze ans, mais elle avait l’air maussade, et avançait le dos voûté, comme si elle marchait dans une tempête. Quand ils sont entrés, je leur ai serré la main. La jeune fille, appelons-la Kate, me tendit sa main gauche. Ma réaction fut un regard vers sa main droite, je m’attendais à y voir un plâtre ou une attèle. S’y trouvait en fait un téléphone portable mauve et pailleté, du genre, nouveau à l’époque, de ceux dont le clavier se glisse sous l’écran comme un lit gigogne. Pendant les 50 premières minutes de la consultation, je n’ai vu de Kate que le sommet de son crâne, elle a gardé les yeux fixés sur l’écran et a tapoté sur son clavier sans prêter aucune attention à la discussion. A aucun moment elle ne s’est détachée du téléphone, ni le téléphone d’elle, même quand elle répondait, en vociférant parfois, aux plaintes que ses parents formulaient à son égard. De leur côté, les parents n’ont fait aucun commentaire sur l’occupation de leur fille.

Pendant la visite, je n’ai fait aucune mention ni du téléphone de Kate, ni de l’apparent aveuglement de ses parents quant au comportement de leur fille. Un thérapeute apprend à ne jamais remettre en question trop vite les normes d’une famille. [...] Mais lors de la visite suivante, avant qu’elle ne s’asseye, j’ai demandé à Kate de me donner son téléphone. Ses parents, déjà assis, se sont figés alors qu’elle levait les yeux vers moi. C’était, je m’en rendais compte alors, la première fois que je voyais ses yeux, et j’y ai lu un mélange de peur et de colère, qui n’était pas sans rappeler le raton laveur coincé dans le potager d’un jardinier enragé. “Pourquoi ?”, m’a-t-elle demandé. “Parce que j’ai vraiment du mal à me concentrer quand tu es distraite, lui ai-je dit. Je me demande tout le temps ce qui se passe sur ton téléphone, et je me dis que quoi qu’il s’y passe, ça doit être beaucoup plus intéressant que ce qui se dit dans ce cabinet.” “Ca c’est sûr” a-t-elle répondu. “Évidemment, ai-je repris. Rien ne peut égaler ce qui est sur ton téléphone. Mais il nous faut parfois prêter attention à des choses moins intéressantes.” J’ai tendu ma main, elle y a mis son téléphone. Il était moite. J’avais l’impression de sentir la marque de ses doigts sur les bords arrondis. “C’est presque comme si ton téléphone était une partie de toi”, ai-je ajouté en le posant sur mon bureau “comme un autre membre ou un truc dans le genre.”

De la variation du Moi

“Eh ben c’est le cas, mon gars”, a-t-elle dit en soutenant mon regard. Ce n’était pas la première fois qu’un enfant me renvoyait à l’état de fossile. [...] Mais le fossé qui me séparait de Kate n’était pas culturel ou politique. Il tenait au fait que nous nous faisions une idée différente de nous-mêmes. Mon commentaire, qui n’avait pas de cause particulière, ne lui avait rien appris qu’elle ne sache – à savoir qu’elle était fondamentalement différente de moi, et du reste des adultes avec lesquels elle devait partager la planète. Nous, nous ne n’avions que quatre membres. Elle en avait cinq, et avec cet appendice supplémentaire, elle pouvait s’extraire de son petit moi clos et rejoindre le vaste monde – en tout cas le monde qui pouvait prendre vie dans son écran. [...]

Le Moi change. Pas seulement au cours de nos petites vies, ce sur quoi, nous, les thérapeutes, essayons d’agir, mais il change au cours de l’histoire humaine. L’idée qu’on se fait de l’être humain, de ce que devons attendre de nous-mêmes, de ce qui fait qu’une vie est réussie, des moyens à employer pour la réussir – tout cela est transformé par le temps et les circonstances, d’une manière qu’on ne peut observer que rétrospectivement, et encore, à travers une vitre ternie par les préjugés de celui qui regarde derrière lui. Il est très dur de nous observer nous-mêmes dans une époque qui change, et de comprendre une transformation qui a lieu sous nos yeux, il est encore plus dur de déterminer si on peut agir sur cette transformation.

Je passe sur le long développement central pour arriver à la fin du texte.

L’homme, sorte de Dieu prothétique, sorte de monstre

En 1930, dans Malaise dans la civilisation, Freud écrivait : “L’homme est devenu une sorte de Dieu prothétique. Quand il se pare de tous ses organes auxiliaires, il est magnifique, mais ces organes ne se sont pas développés avec lui et ils lui causent grand souci. L’avenir apportera avec lui des avancées nouvelles et probablement inimaginables dans le domaine de la civilisation, et il accroitra la ressemblance de l’homme avec dieu. Mais dans l’intérêt de nos investigations, nous n’oublierons pas que l’homme d’aujourd’hui ne tire pas grand bonheur de cette ressemblance.”

La métaphore est instructive, reprend Greenberg. “Avec les technologies, suggère Freud, nous ne sommes pas seulement devenus magnifiques, nous sommes aussi devenus des monstres. Kate, avec son téléphone portable, ces piétons dans la ville qui ont les yeux fixés sur des écrans qui leur montrent des images et des mots venus d’ailleurs, ces jeunes et les adultes qui se demandent pour ami et s’envoient des tweets, ne sont-ils pas des dieux prothétiques, qui tiennent le monde entier dans leur main ? Ne sont-ils pas aussi des monstres ?”

“Il y a quelque chose de vraiment magnifique dans l’Internet” dit Greenberg, et il avoue l’utiliser sans cesse. “Le bureau qui me relie au web est ma prothèse, dit-il, de la manière que le téléphone de Kate est la sienne. Et cet organe auxiliaire, qui n’est qu’imparfaitement relié à moi, me cause aussi du souci. L’autre jour, je regardais un film dans lequel jouait Jeanne Moreau, raconte Greenberg, et je me demandais quel âge elle avait au moment du tournage. Avant même que je me formule la question à moi-même, je fis le geste de googler – sauf que mon ordinateur n’était pas là où il devait être. J’avais fait le même geste atroce que l’amputé qui veut attraper une cigarette avec sa main perdue. Je ne sais pas ce qui était pire – la présence-absence de mon appendice fantôme ou le fait qu’il me manque autant.”

Conclusion provisoire de Greenberg : nous sommes devenus méconnaissables à nous-mêmes, nous sommes devenus des monstres.

Le problème dit Greenberg, c’est qu’il est compliqué de faire une critique profonde de la technologie sans devenir un peu réactionnaire, qu’il est impossible de tuer le monstre numérique, sans recourir à des fourches et à des torches. Et puis, ajoute-t-il, “le dégoût est la source de la bigoterie, il voue aux gémonies ce qui est nouveau et différent, il nous amène à oublier ce qu’il y a de sublime dans le monstre.”

Les “Moi(s)” du futur auront peut-être des Bluetooth implantés, des pouces pointus et, qui sait, des yeux sur le sommet du crâne. Ce qui est une prothèse pour nous aura grandi sur eux, mais ils auront de nouvelles coutures auxquelles il faudra se confronter. Et ces futurs auront aussi leurs propres mécontentements, leurs propres monstres et leurs propres passés à remâcher.


Chronique initialement diffusée dans Place de la Toile sur France Culture et publiée sur InternetActu sous le titre “Le “monstre magnifique” de la technologie fait-il changer “le Moi” ?”

Les principales citations de cet article ont été initialement publiées sous copyright dans un article de The Nation, signé Gary Greenberg.

Illustrations CC : Marion Kotlarski, Jean-Pierre Lavoie, Van Den Berge



Retrouvez tous les articles de notre dossier “monstres” sur OWNI.
- “Le corps jugé monstrueux n’a pas d’humanité”
- Freaks: espèce de salles obscures

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L’Homme “augmenté” selon Google http://owni.fr/2010/10/24/lhomme-augmente-selon-google-vers-une-transhumanite-diminuee/ http://owni.fr/2010/10/24/lhomme-augmente-selon-google-vers-une-transhumanite-diminuee/#comments Sun, 24 Oct 2010 13:10:22 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=31532

Ce que nous essayons de faire c’est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu’ils n’arrivent pas à faire bien…

On ne pourra pas dire que nous n’avons pas été prévenus. Mais, étrangement, cette déclaration programmatique d’Eric Schmidt est pratiquement passée inaperçue en dehors des cercles technophiles concernés.

Le PDG de Google a pourtant clairement annoncé la couleur fin septembre à la conférence TechCrunch de San Francisco : “La” Firme Internet ambitionne désormais de rendre son moteur de recherche suffisamment “autonome et intelligent” pour deviner nos désirs, faire de notre découverte du monde “un heureux hasard” calculé par les algorithmes sorciers concoctés par les cerveaux œuvrant au Googleplex de Mountain View.

Si l’on en croit Herr Doktor Schmidt, il viendra un jour où Google pensera le monde à notre place, nous proposant des suggestions avant même que nous ayons tapé la moindre recherche sur notre clavier AZERTY : “Je m’intéresse à l’histoire ? Je veux que mon smartphone me raconte l’histoire de l’endroit où je suis sans lui avoir demandé”, a expliqué le boss de Google pour illustrer son propos. Eric Schmidt nous annonce pour demain – cette décennie – un futur radieux où le divin moteur devinera dans nos pensées pour nous aider à vivre, travailler, nous éduquer, nous informer, aimer… où YouTube et Google TV vous proposeront à chaque instant des programmes taillés sur mesure en fonction de vos goûts, où Google News nous livrera en temps réel une actualité ciblée sur nos seuls centres d’intérêt, où nos voitures conduiront toutes seules guidées par Google Maps…Blablabla.

C’était de la science-fiction il y a dix ans, mais aujourd’hui c’est déjà demain : Google est DÉJÀ un véritable prolongement de nous-mêmes, une extension, un pseudopode numérique de notre cortex. Google est dans votre tête, vous connaît mieux que quiconque à force d’enregistrer vos moindres faits et gestes sur le web. Avez-vous déjà essayé de vivre sans Google ? Dans notre société de l’hyperinformation cela revient à vivre sans Internet, à courir le 100 mètres avec une jambe en moins…

«le troisième hémisphère de notre cerveau »

Vous ne pourrez plus vous passer de Google, sauf à être un homme “diminué”. C’est en tout cas le projet assumé des dirigeants de “La” Firme. Sergei Brin, le fondateur de Google, a récemment dit qu’il voulait faire de sa création «le troisième hémisphère de notre cerveau ».

Eric Schmidt a multiplié les déclarations provocatrices en ce sens à l’IFA, la grand messe païenne de l’électronique qui s’est tenue début septembre à Berlin :

Nous pouvons vous suggérer quoi faire après, ce qui vous intéresse. Imaginez : nous savons où vous êtes, nous savons ce que vous aimez. »« Non seulement vous ne serez plus jamais seul, mais en plus vous ne vous ennuierez jamais ! Nous vous suggèrerons ce que vous devriez regarder, parce qu’on sait ce qui vous intéresse. » « Un futur très proche dans lequel vous n’oublierez rien, parce que les ordinateurs se souviennent. Vous ne serez jamais perdu.

Achtung encore un qui a trop lu Orwell… Souvenez-vous 1984 : “Big Brother vous regarde. Vous ne possédez rien, en dehors des quelques centimètres de votre crâne”, “La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force”, “Le crime de penser n’entraîne pas la mort. Le crime de penser est la mort”, etc. Surtout ne pensez plus par vous-même, Google va vous aider…C’est sérieux ? Oui et Non. Encore une manière irresponsable de se faire de l’argent en jouant avec nos fantasmes les plus secrets. Consommer, être sexy, baiser, ne pas mourir…

TF1 peut aller se rhabiller avec son “temps de cerveau disponible”. La télévision nous conçoit comme des récepteurs passifs avalant de la sous-culture et de la publicité comme des oies que l’on gave en batterie ? Google va beaucoup, beaucoup, plus loin : jusqu’à “l’inception”, la suggestion de l’Idée dans nos têtes avant même que nous y ayons pensé, comme dans ce mauvais film de SF récemment sorti sur les écrans. “Nous voulons organiser l’océan d’information disponible sur le web pour le bien de l’humanité”, martèlent les Gentils Leaders de la planète Google depuis dix ans. OK mais pour quoi faire ? Pour nous vendre des produits dont nous n’avons pas besoin, une orgie de gadgets high-tech, de voyages de rêve, de malbouffe, de crédits immobiliers, de “bons plans”, de low-cost qui s’affichent sur les liens sponsorisés AdWords à chacune de nos requêtes.

Quel est le but ?

Google veut nous aider à “augmenter nos capacités” mais bordel à quoi cela rime au juste ?

La question dépasse de loin la seule problématique habituelle de l’hyper-monopole de La Firme et du flicage constant auquel nous sommes soumis sur Internet. Elle est d’ordre philosophique et politique. Car de “l’humanité augmentée” à la “transhumanité”, il n’y a qu’un pas qui risque de passer par “L’homme nouveau”… Cet être supérieur dont rêvaient ceux qui voulaient construire “un Reich pour mille ans”. L’élimination eugéniste des inadaptés par “le triomphe de la volonté”.

Aujourd’hui nous voulons TOUS améliorer nos PERFORMANCES, être riches, beaux, célèbres, éternellement jeunes, liftés, botoxés, retouchés à Photoshop, bronzés aux UV, greffés, stimulés cardiaquement, transfusés, chimiothérapiés jusqu’au stade terminal pour ne pas mourir, NE PAS ÊTRE UN LOOSER. Dans ce programme messianique, celui de Google, celui de l’individualisme narcissique forcené, celui du libéralisme sauvage, du turbo-capitalisme dans sa phase d’accélération technoïde, il y a la fausse promesse de l’Éternité commune à tous les marchands de religion, de totalitarisme idéologique. Il n’y a plus de place pour les pauvres, pour les faibles, les inadaptés… Regardez dans le métro, dans les rues, ils crèvent sous nos yeux comme au moyen-âge, l’idéologie du PROGRÈS transhumaniste en plus.

Cette idéologie est déjà là, en nous, tout comme Google qui n’en est que le miroir. Une entreprise comme les autres, plus puissantes que les autres sans autre projet que le profit, sous ses dehors coooolissime : “Nothing Personnal, Just Business”. OK.

Une idéologie sous-jacente dangereuse

L’idéologie sous-jacente est bien plus dangereuse que son expression économique et technologique. Faisons comme Houellebecq, servons nous de Wikipedia pour un joli copié-collé instructif :

Le transhumanisme est un un mouvement culturel et intellectuel prônant l’usage des sciences et des techniques afin de développer les capacités physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et et sur d’autres techniques émergentes…

Exactement, Le Meilleur des Mondes selon Aldous Huxley avec ses citoyens Alpha, Bêta, Gamma, Delta que nous avons lu quand nous étions petits (n’est-ce pas Olivier)…

Pour en savoir plus sur la transhumanité, voir cette vidéo allumée (in english sorry), je survole, j’y reviendrai :

J’aime Google, Google m’est indispensable, je serai perdu sans Google… et je ne pense pas que Google ait formé consciemment le projet de nous asservir. Ils font juste du BUSINESS TOTAL comme on fait la guerre totale, ils ambitionnent seulement de dominer le marché de 6 milliards d’humains que nous sommes. Tout comme Microsoft, Apple et tant d’autres. Mais ils participent au PROJET transhumaniste : l’immortalité, devenir des dieux vivants. Une nouvelle religion conceptualisée par le bon docteur Max More et son “Extropianisme” :

Nous mettons en question le caractère inévitable du vieillissement de la mort, nous cherchons à améliorer progressivement nos capacités intellectuelles et physiques, et à nous développer émotionnellement. Nous voyons l’humanité comme une phase de transition dans le développement évolutionnaire de l’intelligence. Nous défendons l’usage de la science pour accélérer notre passage d’une condition humaine à une condition transhumaine, ou posthumaine. Comme l’a dit le physicien Freeman Dyson, ‘l’humanité me semble un magnifique commencement, mais pas le dernier mot.

(Introduction à Principes extropiens 3.0).

Transformation de soi à coup d’implants, de bodybuilding, de chirurgie esthétique, de Viagra, et bientôt de puces électroniques transcutanées, de connexions neuronales directes avec le RÉSEAU comme dans un foutu film de Cronenberg. Wow tout un programme !

Celui de Google sans y penser. Certainement pas le mien. Je suis un humain, pas un post-humain, ni un transhumain. Je fume (un peu), je bois (un peu), je vis, j’aime, trop vite, trop fort comme beaucoup d’entre nous. Life is good. Mais comme vous, je vais mourir un jour et Google n’y pourra rien…

Billet initialement publié et commenté sur Mon écran radar

Images CC Flickr Bistrosavage et s^n+ºrrºs+rº

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Homme augmenté mode d’emploi http://owni.fr/2010/07/05/homme-augmente-mode-demploi-2/ http://owni.fr/2010/07/05/homme-augmente-mode-demploi-2/#comments Mon, 05 Jul 2010 15:55:45 +0000 Diane Saint-Réquier http://owni.fr/?p=21160

Les 2 et 3 avril (2010, ndlr), Megève accueille le premier Congrès International de l’Homme Augmenté. Une réunion de scientifiques, commerciaux, chercheurs et penseurs autour du thème de cet homme nouveau, qui utilise la technologie pour maximiser ses possibilités. Comme souvent lorsque l’on aborde le sujet des biotechnologies, il s’agira d’examiner les bénéfices qui peuvent être tirés (humains et économiques), mais aussi de soulever les questions éthiques, légales et de sûreté. L’homme 2.0, le Bioman de notre enfance, n’est plus confiné aux romans ou aux films de science-fiction futuristes, il a déjà un pied bien ancré dans notre monde.

Membres ressuscités

Cela fait plusieurs années que des prothèses ingénieuses voient le jour. Il s’agit de rendre aux accidentés, handicapés ou amputés une mobilité perdue au niveau des jambes ou des bras. Pour les jambes, la technologie est parvenue à des avancées vraiment significatives, encore faut-il avoir les moyens. Mais au niveau des bras, et des mains, le travail est loin d’être terminé, puisque au-delà des mouvements, ce sont désormais les sensations que l’on tente de reproduire de façon numérique. Cependant, les modèles permettant un lien direct entre la pensée du geste et sa réalisation existent déjà, un petit miracle en soi.

Exosquelette

Qu’est ce que c’est que ce nom barbare ? Les amateurs d’insectes parmi vous le savent déjà : c’est une sorte de squelette externe, qui dans le règne animal prend le nom de carapace. La nouveauté, c’est que des « armures » de ce type sont développées pour permettre à l’homme d’augmenter sa force et sa résistance. Au Japon par exemple, plusieurs prototypes peuvent être loués, le plus souvent par des institutions médicales. Ces carapaces intelligentes, dotées d’une connectique bien particulière permettent de réaliser les mouvements désirés, mais avec une force bien plus grande produite par la machine. Elles devraient par la suite servir aussi dans le domaine militaire, où leur utilité est évidente.

Remue-méninges

Une autre piste de recherche chez les scientifiques des biotechnologies, c’est la possibilité d’augmenter la mémoire ou le savoir en insérant des puces à cet effet dans le cerveau. Celles-ci fonctionneraient comme les disques durs d’un ordinateur, stockant des données au-delà de la limite naturelle qui est la notre. La possibilité de commande par les ondes cérébrales est aussi à l’étude, et pourrait permettre, par exemple, à un handicapé de diriger son fauteuil par la seule pensée. Quand cette technologie sera développée, on peut imaginer de nombreuses applications au quotidien, le rêve des fainéants…

Éthique en toc ?

Les problèmes soulevés par le développement exponentiel des biotechnologies, on en connaît déjà quelques-uns. Qui conserve les données stockées sur les puces après le décès ? Comment contrôler l’utilisation qui en est faite ? L’explosion d’Internet a posé les bases pour certaines limitations qui pourraient s’appliquer à de nouvelles technologies. Mais ces dernières touchent parfois à des champs inédits, et soulèvent d’autres interrogations : « Dois-je être autorisé à accroître ma capacité de mémorisation par l’ajout de puces électroniques ? Est-ce qu’on devrait avoir le droit de créer de nouvelles inégalités économiques par ce biais ? Comment éviter que ces technologies ne deviennent un moyen de me contrôler ? » Kevin Warwick, professeur à l’université de Reading.

Affaires à faire

Si ces domaines parviennent à des avancées aussi rapides que surprenantes, c’est aussi parce qu’ils réussissent à mobiliser des fonds assez facilement. Il faut dire que les applications médicales qui sont prévues devraient aider amputés, aveugles, et bien d’autres malades. Mais ce n’est pas tout, le domaine du loisir pourrait bien devenir le plus gros consommateur d’améliorations pour humains. Et si l’on en croit les chiffres de l’étude ABIresearch le marché atteindrait les 877 millions de dollars d’ici 2020, à raison d’une croissance de 41% par an ! Selon les industriels du secteur : les technologies existent, il ne reste plus qu’à faire un « business plan » viable pour les produire et les commercialiser.

« Il existe une potentialité destructive du ‘citizen cyborg’. Il faut restreindre la recherche sur les technologies potentiellement dangereuses ». Ce ne sont pas les mots d’un vieillard dépassé, mais de Billy Joy, le fondateur d’Intel. Pourtant, pour beaucoup cette question ne se pose plus, il est trop tard pour s’interroger sur le bien-fondé de ces recherches tant elles sont déjà avancées, voire abouties. Il s’agit aujourd’hui de réfléchir au cadre qui entourera l’utilisation de ces technologies. On peut imaginer que certains rejetteront la pose d’implants pour rester « bio », que d’autres réclameront les mêmes implants pour tous, ou que, dans la logique actuelle de gouvernance globale et capitaliste, quelques élites se verront dotées d’une plus grande force et d’une intelligence supérieure qui leur permettront d’asseoir leur domination sur les non implantés…

Lexique à brac

Androïde : désigne ce qui est de forme humaine, étymologiquement, ce « qui ressemble à un homme »

Bionique : contraction de « biologique » et de « électronique », la bionique est la science qui étudie la façon dont le vivant reçoit et traite les signaux pour l’imiter dans les machines et les robots.

Cyborg : mot d’origine anglaise, contraction de « cybernetic organism » (organisme cybernétique). Désigne un organisme composé de matière organiques et de circuits intégrés.

Homme augmenté : ce concept désigne les techniques liées à l’augmentation des capacités humaines en dehors de son évolution biologique naturelle, on distingue les démarches de réparation, de transformation et d’augmentation.

Hybride : ce vocable est issu du latin classique « ibrida », qui signifie « bâtard, sang-mêlé ». L’idée est celle d’un mélange de deux corps en un, allant d’une simple juxtaposition jusqu’à une fusion parfaite.

Transhumanisme : aussi appelé >H ou H+ en abréviation, c’est une doctrine philosophique qui analyse et encourage l’usage de certaines technologies pour « améliorer la condition humaine », au-delà des contraintes de l’évolution biologique.

Billet initialement publié sur L’actu à la loupe

Image CC Flickr Roberto Rizzato ?pix jockey? Facebook resident

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Voir aussi ce billet en deux parties de Ariel Kyrou sur la mutation  de Google : première partie & seconde partie.

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Homme augmenté mode d’emploi http://owni.fr/2010/07/05/homme-augmente-mode-demploi/ http://owni.fr/2010/07/05/homme-augmente-mode-demploi/#comments Mon, 05 Jul 2010 15:55:45 +0000 Diane Saint-Réquier http://owni.fr/?p=21160

Les 2 et 3 avril (2010, ndlr), Megève accueille le premier Congrès International de l’Homme Augmenté. Une réunion de scientifiques, commerciaux, chercheurs et penseurs autour du thème de cet homme nouveau, qui utilise la technologie pour maximiser ses possibilités. Comme souvent lorsque l’on aborde le sujet des biotechnologies, il s’agira d’examiner les bénéfices qui peuvent être tirés (humains et économiques), mais aussi de soulever les questions éthiques, légales et de sûreté. L’homme 2.0, le Bioman de notre enfance, n’est plus confiné aux romans ou aux films de science-fiction futuristes, il a déjà un pied bien ancré dans notre monde.

Membres ressuscités

Cela fait plusieurs années que des prothèses ingénieuses voient le jour. Il s’agit de rendre aux accidentés, handicapés ou amputés une mobilité perdue au niveau des jambes ou des bras. Pour les jambes, la technologie est parvenue à des avancées vraiment significatives, encore faut-il avoir les moyens. Mais au niveau des bras, et des mains, le travail est loin d’être terminé, puisque au-delà des mouvements, ce sont désormais les sensations que l’on tente de reproduire de façon numérique. Cependant, les modèles permettant un lien direct entre la pensée du geste et sa réalisation existent déjà, un petit miracle en soi.

Exosquelette

Qu’est ce que c’est que ce nom barbare ? Les amateurs d’insectes parmi vous le savent déjà : c’est une sorte de squelette externe, qui dans le règne animal prend le nom de carapace. La nouveauté, c’est que des « armures » de ce type sont développées pour permettre à l’homme d’augmenter sa force et sa résistance. Au Japon par exemple, plusieurs prototypes peuvent être loués, le plus souvent par des institutions médicales. Ces carapaces intelligentes, dotées d’une connectique bien particulière permettent de réaliser les mouvements désirés, mais avec une force bien plus grande produite par la machine. Elles devraient par la suite servir aussi dans le domaine militaire, où leur utilité est évidente.

Remue-méninges

Une autre piste de recherche chez les scientifiques des biotechnologies, c’est la possibilité d’augmenter la mémoire ou le savoir en insérant des puces à cet effet dans le cerveau. Celles-ci fonctionneraient comme les disques durs d’un ordinateur, stockant des données au-delà de la limite naturelle qui est la notre. La possibilité de commande par les ondes cérébrales est aussi à l’étude, et pourrait permettre, par exemple, à un handicapé de diriger son fauteuil par la seule pensée. Quand cette technologie sera développée, on peut imaginer de nombreuses applications au quotidien, le rêve des fainéants…

Éthique en toc ?

Les problèmes soulevés par le développement exponentiel des biotechnologies, on en connaît déjà quelques-uns. Qui conserve les données stockées sur les puces après le décès ? Comment contrôler l’utilisation qui en est faite ? L’explosion d’Internet a posé les bases pour certaines limitations qui pourraient s’appliquer à de nouvelles technologies. Mais ces dernières touchent parfois à des champs inédits, et soulèvent d’autres interrogations : « Dois-je être autorisé à accroître ma capacité de mémorisation par l’ajout de puces électroniques ? Est-ce qu’on devrait avoir le droit de créer de nouvelles inégalités économiques par ce biais ? Comment éviter que ces technologies ne deviennent un moyen de me contrôler ? » Kevin Warwick, professeur à l’université de Reading.

Affaires à faire

Si ces domaines parviennent à des avancées aussi rapides que surprenantes, c’est aussi parce qu’ils réussissent à mobiliser des fonds assez facilement. Il faut dire que les applications médicales qui sont prévues devraient aider amputés, aveugles, et bien d’autres malades. Mais ce n’est pas tout, le domaine du loisir pourrait bien devenir le plus gros consommateur d’améliorations pour humains. Et si l’on en croit les chiffres de l’étude ABIresearch le marché atteindrait les 877 millions de dollars d’ici 2020, à raison d’une croissance de 41% par an ! Selon les industriels du secteur : les technologies existent, il ne reste plus qu’à faire un « business plan » viable pour les produire et les commercialiser.

« Il existe une potentialité destructive du ‘citizen cyborg’. Il faut restreindre la recherche sur les technologies potentiellement dangereuses ». Ce ne sont pas les mots d’un vieillard dépassé, mais de Billy Joy, le fondateur d’Intel. Pourtant, pour beaucoup cette question ne se pose plus, il est trop tard pour s’interroger sur le bien-fondé de ces recherches tant elles sont déjà avancées, voire abouties. Il s’agit aujourd’hui de réfléchir au cadre qui entourera l’utilisation de ces technologies. On peut imaginer que certains rejetteront la pose d’implants pour rester « bio », que d’autres réclameront les mêmes implants pour tous, ou que, dans la logique actuelle de gouvernance globale et capitaliste, quelques élites se verront dotées d’une plus grande force et d’une intelligence supérieure qui leur permettront d’asseoir leur domination sur les non implantés…

Lexique à brac

Androïde : désigne ce qui est de forme humaine, étymologiquement, ce « qui ressemble à un homme »

Bionique : contraction de « biologique » et de « électronique », la bionique est la science qui étudie la façon dont le vivant reçoit et traite les signaux pour l’imiter dans les machines et les robots.

Cyborg : mot d’origine anglaise, contraction de « cybernetic organism » (organisme cybernétique). Désigne un organisme composé de matière organiques et de circuits intégrés.

Homme augmenté : ce concept désigne les techniques liées à l’augmentation des capacités humaines en dehors de son évolution biologique naturelle, on distingue les démarches de réparation, de transformation et d’augmentation.

Hybride : ce vocable est issu du latin classique « ibrida », qui signifie « bâtard, sang-mêlé ». L’idée est celle d’un mélange de deux corps en un, allant d’une simple juxtaposition jusqu’à une fusion parfaite.

Transhumanisme : aussi appelé >H ou H+ en abréviation, c’est une doctrine philosophique qui analyse et encourage l’usage de certaines technologies pour « améliorer la condition humaine », au-delà des contraintes de l’évolution biologique.

Billet initialement publié sur L’actu à la loupe

Image CC Flickr Roberto Rizzato ►pix jockey◄ Facebook resident

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Voir aussi ce billet en deux parties de Ariel Kyrou sur la mutation  de Google : première partie & seconde partie.

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