OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Jean-Louis Pierot : “moi, c’est le studio” http://owni.fr/2011/05/20/jean-louis-pierot-moi-c%e2%80%99est-le-studio/ http://owni.fr/2011/05/20/jean-louis-pierot-moi-c%e2%80%99est-le-studio/#comments Fri, 20 May 2011 15:19:47 +0000 SYLVAIN FESSON http://owni.fr/?p=31853 Sylvain Fesson, 31 ans, dont huit de journalisme musical en freelance. Musicalement axé pop, rock, folk, chanson, il écrit pour Trois Couleurs, GQ, Snatch, Gonzai, Amusement…. Tendance chroniqueur auteur, comme en témoigne son site perso Parlhot.

21 décembre 2010. 11h10. Clamart.

La neige craque sous mes pas. Devant moi, quadrillé de sentiers au cordeau, se dresse enfin le lotissement paisible censé abriter le studio de Jean-Louis Piérot. Il s’appelle La Bulle. Trois ans qu’il s’y est installé avec console, guitares et claviers pour y peaufiner les disques des autres. Car Jean-Louis Piérot est producteur et pas des moindres. Il a collaboré à certains des plus grands disques de chanson française de ces 20 dernières années. Des disques qu’au pire, vous connaissez sans connaître. Paris ailleurs et Corps et armes d’Etienne Daho, Faux témoin et La part des anges de Jacno, Genre humain de Brigitte Fontaine, Fantaisie militaire d’Alain Bashung, 1964, L’Etreinte de Miossec… Sans lui tous ces albums n’auraient pas été ce qu’ils sont (des pans de notre patrimoine) et on ne l’appellerait pas encore pour en produire d’autres, moins cruciaux mais tout aussi finement ouvragés (entre pop et variété) pour Marianne Faithfull, Tété, Françoise Hardy, Renan Luce, Kaolin ou Doriand.

Comme si je pouvais l’ignorer, il me rappellera qu’avant d’être pleinement producteur il fut aussi l’homme d’un groupe qu’il formait avec une certaine Edith Fambuena, Les Valentins, et que c’est avec elle qu’il a produit les meilleurs albums suscités. C’est aussi pour ça que je suis là perdu la banlieue sud-ouest de Paris, le nez rivé sur le plan de quartier que j’ai griffonné sur un bout de feuille avant de partir il y a maintenant plus d’une heure (instant Herta et Rémi sans famille, faute d’iPhone et de sa précieuse application GPS) : j’aimais beaucoup Les Valentins, notamment la pop triste, lunaire et boudeuse telle que la figure leur premier album. Elle y était chanteuse-guitariste, lui claviériste. Malgré quatre beaux albums entre 1990 et 2003, acquérant petit à petit le statut de groupe culte, ils n’ont jamais percé. Reste la magie des chansons, les leurs et celles sur lesquelles ils œuvrent et ont œuvré.

C’est pour que je tenais à rencontrer Jean-Louis Piérot et que je rencontrerai sans doute Edith Fambuena ainsi que d’autres comparses alchimistes de studio (je pense aux wingman de la chanson que sont Frédéric Lo, Erik Arnaud, Christophe Van Huffel, Dimitri Tikovoï, Renaud Létang, Bertrand Burgalat) :

pour que ces hommes de l’ombre nous racontent en quoi consiste de « produire » un disque et qu’on entre alors, mine de rien, dans le secret de ce mystérieux processus créateur de magie qu’on appelle musique.

11h15.

La moquette du studio Bulle respire enfin sous mes pas. A l’intérieur les couleurs sont chaudes, orangées, tendance bouddha. Jean-Louis m’offre un café Senséo et me fait visiter (il y a plein de claviers vintages, sa spécialité). Il travaillait sur l’album de Bertrand Soulier. Il doit le rendre sous peu, mais se love volontiers dans son fauteuil oval. Il semble avoir du temps à m’accorder.

Bonjour Jean-Louis. En ce moment tu produis le deuxième album de Bertrand Soulier, un outsider de choix de la chanson française. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Ça fait 4-5 ans qu’on se connaît. On s’est rencontrés via Philippe Balzé, l’ingénieur du son avec qui je bosse et qui est mon associé depuis 3 ans au studio Bulle. Bertrand a fait son premier album avec lui, et à l’époque j’allais les voir en séance.

C’est là que tu t’es dit que tu pourrais peut-être lui apporter quelque chose ?

Ah non, je ne suis pas comme ça ! En fait c’est lui qui m’a avoué après-coup qu’il aurait voulu faire son premier album avec moi. Je crois qu’il n’avait pas pu, faute de moyens. Par contre il m’a vite dit qu’il voudrait qu’on fasse son deuxième album ensemble. « Avec plaisir ! ». Je connaissais un peu ce qu’il faisait. Je trouvais qu’il était super doué. J’avais déjà bien envie de bosser avec lui. Il y a un peu moins d’un an, il m’a alors envoyé des titres, je les ai écoutés et j’ai dit : « Attends, pour moi la question se pose pas : je trouve tes titres vraiment terribles, je veux faire cet album. » Et là on est en plein dedans.

Les projets dont tu t’occupes se font-ils beaucoup par ce genre d’affinités électives, ou s’agit-il le plus souvent de commandes où ton intime conviction n’a pas voix au chapitre ?

La plupart du temps je ne connais pas les artistes, enfin je peux les connaître artistiquement mais pas humainement, et c’est l’artiste qui, par l’intermédiaire de son D.A. (directeur artistique, nda), me faire savoir qu’il veut travailler avec moi. Après, moi, avant de rencontrer la personne, je demande toujours à écouter les chansons parce que ça m’est déjà arrivé de rencontrer des gens avec qui ça c’était bien passé humainement et quand j’avais écouté les chansons, patatras ! c’était pas mon truc. C’est donc délicat. C’est pour ça que je préfère d’abord écouter les chansons (rires) ! Et si ça me plaît ou si j’ai l’impression que je peux servir à quelque chose, à ce moment-là je rencontre la personne.

Depuis combien de temps es-tu ou te sens-tu vraiment producteur ?

Ça s’est fait petit à petit. J’avais un groupe à l’origine. Enfin on n’était que deux, mais bon à partir de deux personnes ça fait un groupe ! Un groupe formé par Edith et moi qui s’appelait Les Valentins et qui n’a pas été très connu.

Oui, qui est en quelque sorte connu pour ne pas être très connu !

Certainement et c’est déjà ça (rires) ! Ce groupe est un vieux groupe, Edith et moi on s’est rencontré au lycée…

A Aix-en-Provence, c’est ça ?

Oui, et on a plus ou moins fait partie d’un groupe de lycée ensemble et ce groupe est devenu dans un premier temps Les Max Valentins…

Avec, à cette époque, un troisième membre nommé Gérald Gardrinier, qui se fera plus tard connaître sous le nom de Gérald de Palmas !

Hé oui ! Lui il n’était pas dans notre lycée, il était un poil plus jeune que nous, genre deux ans de différence, mais à cet âge-là ça n’est pas rien. Il ne faisait donc pas partie de la première mouture du groupe. C’est Edith qui l’a rencontré. De son côté je crois qu’il n’avait pas beaucoup de copains musiciens parce qu’il venait d’arriver à Aix, tout ça. Edith me l’a présenté. On cherchait quelqu’un pour chanter avec nous parce qu’on n’avait plus de chanteur. En plus il jouait de la basse, et c’était un très bon bassiste. On s’est donc dit qu’on allait bosser un peu ensemble. Et super rapidement on a rencontré Etienne Daho qui nous a proposé de signer un contrat, or à ce moment-là ça faisait peut-être 2 mois qu’on connaissait Gérald. Ca n’a pas duré longtemps. On a fait deux 45 tours (Les Maux dits et Printemps parapluie, nda) et on s’est séparé quand on s’est aperçu qu’artistiquement on n’avait pas du tout les mêmes envies ni les mêmes origines…

N’est-ce pas aussi ton entente avec Edith qui pouvait être, comment dire, déjà trop fermée sur elle-même, exclusive ?

Non, parce qu’en fait le groupe a splitté ! Je lis souvent que c’est Gérald qu’est parti, mais Gérald n’est pas parti, on s’est séparé tous les trois. C’était à la fin des années 80 (en 88, nda), on passait notre temps à faire des podiums FM plus qu’à faire de la musique. D’un coup on s’était dit : « Tiens, faudrait peut-être qu’on enregistre un album » et voilà, une fois tous les trois on n’avait juste pas les mêmes envies. Donc on s’est séparé. Ça a duré six mois, un an, et puis Edith et moi on s’est retrouvé en se disant que quand même, on avait envie de rebosser ensemble…

Il paraît qu’Edith et toi aimiez tous deux le Velvet, ce genre de groupes qui laisse croire que vous étiez à 100% sur la même longueur d’onde. Ce n’était pas si simple ?

Oui, oui, mais je pense que ponctuellement nos envies devaient diverger. Je crois aussi qu’Edith se destinait déjà plus à être guitariste de studio. Et moi aussi, d’ailleurs. Au moment de notre séparation on a commencé à faire des séances en tant que musiciens de studio. Et pour répondre à ta question, je crois que l’origine de mon activité de producteur vient de là.

Moi, la seule chose qui m’a toujours intéressé dans ce métier c’était l’enregistrement en studio.

Dès le départ ?

Ah ouais, ouais, ouais. Pour moi c’était magique. Ma première fois dans un vrai studio d’enregistrement c’était avec Etienne Daho. A l’époque il mixait un live. Il venait de nous signer et il nous avait invité à passer au studio. Je me rappelle, c’était les studios Marcadet, qui étaient en fait pas terribles – j’y suis retourné plein de fois après et c’était pas un studio génial – mais à l’époque, wouah ! j’ai trouvé ça magique.

Je comprends que plein de musiciens préfèrent la scène mais moi c’est le studio. Ça a toujours été l’endroit où je me suis vraiment senti à ma place. Car pour moi la scène c’est du théâtre, pas de la création, et ce que j’aime c’est créer la musique en studio, y faire germer les idées qui formeront le fil auquel le disque va s’accrocher.

Je n’ai donc jamais été porté par la scène. L’aspect promo encore moins. Et je pense qu’Edith aussi. Quand Etienne nous a signé, on a donc fait 2 singles, on s’est séparé et on a refait un album après, Edith et moi. Edith était devenue chanteuse. Mais parallèlement Etienne avait commencé à nous faire travailler sur ses propres chansons…

C’était pour son nouvel album, “Paris ailleurs” ?

Oui, il nous demandait de faire des arrangements, de jouer avec lui, etc. On passait donc presque autant de temps, si ce n’est plus, à faire du studio avec Etienne qu’à s’occuper de notre propre groupe en continuant à écrire et à faire des concerts. Avec Les Valentins on a quand même fait 4 albums, et chacun fut suivi d’une tournée, même si c’était jamais des tournées énormes donc ce serait malhonnête de te dire que pour nous notre groupe n’était pas important, mais c’est vrai qu’on l’avait mis un peu en second plan. On était tellement occupé à apprendre des choses en studio avec Etienne… Et c’est surtout comme ça qu’on gagnait notre vie, donc progressivement l’activité de réalisateur a pris le pas sur notre vie de groupe…

Toi tu parles de « réalisateur ». J’ai l’impression qu’on parle plus communément de « producteur ». Y a-t-il une différence ou ces deux termes recoupent-ils la même chose ?

Le terme français c’est « réalisateur » et le terme anglais « producer », qu’on traduit donc chez nous par « producteur », ce qui est beaucoup plus joli que réalisateur qui sonne un peu trop ORTF. Je crois qu’un jour on m’a expliqué qu’il y avait une nuance entre producteur et réalisateur. C’est-à-dire qu’à priori le réalisateur s’occupe uniquement de la partie enregistrement et/ou mixage. Il a cette responsabilité artistique. Alors que le producteur, le vrai producteur a en plus une fonction de D.A. dans le sens où il fait la même chose mais que souvent il peut aussi avoir signé l’artiste…

Ok.

En fait, à l’origine il n’y avait pas de réalisateurs, il n’y avait que des D.A. Dans les maisons de disques les mecs signaient leurs artistes, ils étaient responsable de l’artistique, ils venaient en studio, dirigeaient les séances, faisaient le casting des musiciens, etc. Parce qu’à l’origine, dans les maisons de disques les D.A. étaient tous musiciens, arrangeurs, mais le métier s’est divisé dans les années 80 car sont arrivés des mecs qui venaient d’autres horizons et qui n’y connaissaient pas grand chose en musique, du moins techniquement. Ils ne pouvaient donc pas diriger les séances de studio, tout ça. Donc on a fait appel à des gens pour pallier ce manque : les réalisateurs. Mais à l’origine c’est un seul et même métier.

Et du coup, de même que le rôle le D.A. s’est subdivisé pour donner le rôle de réalisateur, j’imagine que le rôle de réalisateur s’est lui-même subdivisé pour donner des réalisateurs ayant chacun leurs spécialités ?

Oui, c’est ça. Déjà tu as des réalisateurs qui sont musiciens et d’autres qui ne le sont pas. Beaucoup ne le sont pas. Je le connais peu, mais par exemple, je sais que Renaud Létang n’est pas musicien, il est ingénieur du son, c’est sa formation. Je pense qu’il a plein d’idées musicales et qu’il sait se débrouiller pour les faire aboutir, mais concrètement il n’est pas musicien. Si tu lui demandes de se foutre derrière un piano et de jouer une partie de musique, je pense qu’il en est incapable.

Donc lui, quand il a besoin d’arrangements, il fait appel à des arrangeurs. Moi c’est l’inverse, je ne suis pas un ingénieur du son ni même un super instrumentiste, mais je suis musicien de formation. Je sais faire du son parce que j’adore ça et que j’ai été un petit peu obligé de le faire, mais du coup moi je ne mixe pas un album, je demande toujours à quelqu’un d’autre dont c’est la spécialité de le faire sous ma direction, et en l’occurrence je demande souvent à Philippe Balzé.

A l’arrivée, on fait le même travail mais on n’a pas les mêmes approches parce qu’on ne vient pas du même point. Et puis t’as des réalisateurs qui sont ni comme Létang ni comme moi, des gens géniaux qui sont autant ingénieurs du son que musiciens. Y’en a pas beaucoup mais y’en a…

En France ?

Oh oui, il doit y en avoir même si c’est quand même assez américain comme truc. Et pour finir t’as des réalisateurs qui ne sont ni techniciens ni musiciens. Des mecs qui ont juste des idées comme ça. Et qui ne sont pas forcément mauvais hein, qui peuvent même être brillants. Parce qu’en fin de compte, le gros du truc c’est de diriger les séances de studio.As-tu connu Philippe Lerichomme ?

Non.

Il était chef des éditions Universal. On a eu la chance de le rencontrer, il était en fin de carrière. C’est lui qui nous a signé, qui fait que pendant 3 ans on a été aux éditions Universal. Et Lerichomme c’était le D.A. de Gainsbourg. Il l’accompagnait en studio. Il était encore de cette génération-là. Alors il nous racontait les séances avec Gainsbourg… En fait l’exemple-type du D.A. tel qu’il n’existe plus, c’est George Martin. George Martin était D.A. des Beatles. Il a arrangé plein de titres, tout ça, et il n’a même pas un point sur les albums des Beatles parce qu’il était salarié d’EMI, c’est quand même dingue !

C’est d’être George Martin qui t’excitait quand t’étais môme, que tu écoutais les disques et que tu lisais la presse rock ? Tu voulais être le grand manitou dans l’antichambre des grands albums ?

Ah bah ouais ça c’est le mythe…

Et le mythe fait foi…

(Silence.) Quand j’étais petit j’ai fait le Conservatoire et pendant quelques années j’ai eu la chance de faire celui de Grenoble qui était, dans les années 70, le plus moderne d’Europe. Aujourd’hui il ne l’est plu parce qu’il est resté en l’état, mais avant c’était le top. Dans ce Conservatoire il y avait ce qu’ils appelaient une régie – un studio d’enregistrement donc – qui était reliée à différentes salles. Et de temps en temps, comme on avait le droit de la visiter, j’y allais et je me rappelle que je voyais des mecs y faire des montages avec les bandes magnétiques… J’ai trouvé cet endroit vraiment magique.

Pour toi c’était la NASA !

Ouais, c’est ça ! Et puis comme c’était les années 70 il y avait un côté un peu futuriste, space age… Et moi à l’époque je faisais donc du classique mais je commençais quand même à écouter, surtout via mon frère aîné, les Stones, les Beatles. Beaucoup les Beatles, un peu Bowie. Le Velvet, Lou Reed, tout ça c’est venu après. Et j’étais curieux de savoir comment cette musique s’était faite. Par exemple sur les Beatles j’avais repéré qu’il y avait des trucs réalisés avec des bandes à l’envers, ce genre de bidouilles de studio, et ça m’intriguait.

Et aujourd’hui j’imagine que lorsqu’on te contacte c’est qu’on ne cherche pas un simple exécutant, mais un style précis de production, une griffe, une sorte de bidouiller aussi.

J’ose espérer. (Silence.) Mais pfff, comment dire, j’ai toujours l’impression qu’il y a une forme d’imposture dans ce qu’on fait. On n’a pas de diplôme. Moi j’ai pas de CAP réalisateur…

T’as un CV…

Oui mais c’est du vent, ça ne veut rien dire donc quand on fait appel à moi, je ne sais pas sur quoi ça repose.

Tu n’es pas conscient de ce pour quoi tu es réputé et recherché ?

Quelque part, ce sont les artistes qui font leurs albums. Moi il m’arrive de composer un peu, le plus souvent d’arranger. Donc des gens me disent : « Ah ouais, j’adore cet album ! » mais en fin de compte ils ne savent pas vraiment ce que j’y ai fait, donc tout ça me dépasse. C’est pour ça que je parle d’imposture. Alors il y a le cas Miossec par exemple. J’ai fait 2 albums avec Christophe Miossec. Et y a des mecs d’une trentaine d’années qui veulent que je travaille avec eux parce qu’ils sont très fans, ils ont vraiment été élevés à l’école de l’écriture de Miossec, donc pour eux c’est…

Une histoire de filiation ?

Oui, ils pensent que par transfert je vais les introduire dans la famille Miossec. C’est une sorte de truc psy comme ça. Je suis le lien entre le mec et son idole. Comme j’ai travaillé avec lui, je serais une part de sa magie, de sa légende…

Ce qui n’est pas totalement faux…

Christophe, je le connais très bien, on se voit un peu moins maintenant parce qu’il est parti habiter en Bretagne, mais on est devenu très amis. Et pour moi c’est quand même assez mystique, enfin bizarre, que ce mec que je connais super bien et que j’adore soit une sorte d’idole pour des jeunes. Quand ils m’en parlent j’ai l’impression que pour eux c’est LE mec qui a inventé la chanson française alors que, bien sûr, ça n’est pas vrai. Donc voilà, on m’appelle pour ça. Après on peut aussi m’appeler parce que j’ai eu la chance que certains albums sur lesquels j’ai travaillés aient été des succès et que des gens me voient donc comme une sorte de caution, de garantie…

A quels succès penses-tu ?

Un peu à Miossec, mais surtout Renan Luce.

Ça a fait monter ta cote ?

Obligatoirement. Je le sais…

Et tu le vis bien (rires) ?

Pfff ouais, ouais, ouais (rires) ! J’ai aussi fait deux albums avec Renan Luce. Donc j’ai connu Renan avant qu’il soit très connu. C’était un petit gars comme j’en rencontre parfois parce que je fais souvent des premiers albums. Sur les conseils de son manager je suis allé le voir en concert et il était seul sur scène, on était 15 dans la salle. Je l’ai donc accompagné dans son travail sur ses deux albums et on s’est vraiment super bien entendu. Après, le succès c’est quelque chose que tu ne maîtrises pas du tout… Mais quand je travaille sur un album je ne me dis jamais « Cet album ça va être la lose, on ne va rien vendre du tout », j’imagine toujours que cet album peut et mérite un succès. Donc je pensais que Renan pouvait avoir un succès mais pas plus que les autres…

Toi qui es plutôt fan de musique anglo-saxonne à la base, as-tu une sorte de déontologie, de baromètre personnel au moment de choisir si tu vas bosser ou non sur tel ou tel album de chanson française, voire même au moment tu bosses dessus, dans la couleur que tu pourrais vouloir donner au disque ?

Tu veux dire : est-ce que je fais des compromis par rapport à l’aspect commercial FM ?

Non, je veux surtout dire que chez nous en 2011 il y a quand même toujours ce syndrome de la chanson trop franco-française, au sens de passéiste dans l’imaginaire, pas du tout rock’n’roll dans la musique, et aux textes ancrés dans le quotidien. Renan Luce incarne pas mal ça, au même titre que Bénabar, Dorémus et j’en passe. Est-ce que toi tu ne cherches pas, à ta manière, à pervertir un peu tout ça en y insufflant un soupçon d’esthétisme pop anglo-saxon ?

Je ne cherche pas à le faire sciemment, mais comme je viens de là, certainement que toutes ces influences ressortent malgré moi. Les idées qui me viennent, tout ça, ce sont des choses que j’ai digérées depuis longtemps. Quand j’étais adolescent je n’écoutais jamais de chanson française, j’aimais pas. Chez moi mes parents écoutaient Léo Ferré, Jacques Brel et pfff moi ça me faisait chier quoi, vraiment. Maintenant, avec l’âge, je reconnais qu’il y a quand même des trucs super, mais à l’époque comme les textes me passaient un peu au-dessus et musicalement je trouvais ça plutôt ringard, bah voilà quoi. Mais bon, on est comme on est : même encore aujourd’hui, bien que les textes me passent moins au-dessus de la tête, j’écoute toujours assez peu de chanson française. Je vais me précipiter sur le dernier Massive Attack, beaucoup moins sur le dernier Grand Corps Malade.

Et donc, ta position face à « l’aspect commercial FM » ?

(Silence.) Je n’ai pas le sentiment de me compromettre, car pour moi passer à la radio ce n’est pas insultant, au contraire, je trouve ça super. Moi j’écoutais la radio quand j’étais gamin et j’y ai découvert plein de trucs. Maintenant je n’écoute la radio que dans ma voiture et c’est plutôt France Inter, Le Mouv’, Ouï FM, Nova, donc je cible plutôt ce que j’écoute. Mais quand je suis pris dans les embouteillages alors que je traverse Paris il m’arrive parfois – et la concession est peut-être là ! – de me dire : « Tiens, je vais écouter Virgin Radio », qui n’est pas la pire d’ailleurs ! Parfois je tombe sur des trucs encore plus pourris. Mais j’estime que je vais un peu loin quand j’écoute Virgin Radio. Et c’est histoire de me dire : « Tiens, si j’écoutais – non pas ce qui marche d’ailleurs, parce que c’est pas forcément la même chose – mais ce qui passe en radio… »

En même temps si ça passe en radio c’est que ça marche…

Hé bah pas forcément. Pas forcément. Je vais te donner un exemple actuel et concret : cette année j’ai fait un album pour un groupe qui s’appelle Kaolin et un de leur titre est rentré direct sur Virgin, RTL2, tous ces trucs-là, ce qui est donc une super exposition, je suis super content pour eux, ça fait plaisir. Hé bah les ventes sont vraiment pas terribles.

Peut-être, mais si le morceau est si bien diffusé, c’est parce que leur précédent album s’est super bien vendu…

Oui, c’est vrai que la plupart du temps ça va de paire, ça aide quand même, mais tout ça pour te dire que c’est jamais gagné. Jamais. Surtout que maintenant plus personne ne vend trop. Et donc voilà, des fois pendant une demie heure j’écoute Virgin Radio pour savoir ce qu’est le son radio d’aujourd’hui. Souvent je suis déçu, je trouve que ça sonne pas terrible. Et les trucs qui sont vraiment super radiophoniques, je me dis : « Merde, je ne sais pas faire ça, moi ». C’est pas ma culture et si j’apprenais à le faire, je ne le ferais pas bien. Donc en fait j’en suis revenu.

Je me dis que j’ai eu la chance de produire des titres qui sont beaucoup passés en radio parce que c’était souvent un malentendu.

C’est-à-dire que je n’avais pas fait le morceau comme ça pour qu’il puisse passer en radio, mais parce que je trouvais que ça le servait, tout simplement. Parfois, avec Edith, on nous demandait de faire un truc au format radio, et les rares fois où on l’a fait ça n’est justement pas passé en radio. Donc je pense qu’il y a des gens qui savent vraiment bien le faire, des gens qui ont, pas la méthode, mais le savoir-faire pour ça, moi je ne l’ai pas.

A qui penses-tu quand tu dis que certains ont ce savoir-faire ? Renaud Létang ?

Non, je ne pensais pas à lui mais je pense qu’il doit savoir le faire, oui. Je t’en parlais tout à l’heure mais je le connais à peine hein. On s’est juste rencontré pour le mix d’un disque que j’avais réalisé.

Lequel ?

L’album d’un mec génial, qui s’appelle Ludéal, et qui n’est pas très connu.

Son premier ?

Oui. Un disque super. Vraiment.

Létang et toi, j’ai l’impression que vous êtes un peu sur le même créneau, celui de faire une chanson française de qualité, comme on dit, une chanson française qui soit un peu pop, racée et accessible. C’est ça qui vous réunit, non ?

De faire une musique accessible ? (Silence.) Comment dire ?.. Je n’essaie pas de faire en sorte que ce soit accessible, j’essaie de faire en sorte que ce soit accessible pour moi (rires) ! J’adore des choses pointues, mais je ne dois pas être si pointu que ça car je refuse de faire des choses purement élitistes. Récemment j’ai fait un album, tiens je vais te l’offrir d’ailleurs (il revient avec “Est-ce l’est”, le premier disque de Nicolas Comment). Tu connais ?

Oui.

Hé bien ça tu vois, pour moi c’est pas élitiste parce qu’on n’a pas cherché à faire quelque chose d’ardu à écouter même si, d’un autre côté, on sait bien que ça ne passera jamais en radio…

En même temps, les chansons de Nicolas Comment sont dans un délire culturophile parisien qui a tout pour plaire à France Inter/Télérama !

Ah oui, complètement. Avec Philippe on a produit un autre premier album de ce genre (il revient avec le disque d’un dénommé Raspail). Ça c’est un gars qu’est même pas signé. Je travaille toujours pour le plaisir, mais des fois y a le plaisir et y a pas l’argent parce que y a pas de budget, mais quand je peux je me débrouille pour le faire quand même. Nicolas Comment, Raspail, j’aime beaucoup leurs albums. Mais surtout Ludéal. Je pense qu’il aura du succès un jour, mais je suis déçu, je pensais vraiment que son premier album ferait mieux…

J’ai vu que le single de son deuxième album, Allez l’amour, avait pas mal circulé…

Oui, mais pas suffisamment. Il a vendu moins du deuxième que du premier.

Ça c’est les disques que tu as produit seul. Ceux dont tu es le plus fier ?

Ceux-là, avec les deux Miossec. Et le Soulier, vraiment.

A part ça, tu continues de produire en binôme avec Edith ?

Alors non, ce n’est plus le cas. On a bossé ensemble comme ça pendant une vingtaine d’années mais on s’est séparé artistiquement en 2003. On a sorti un dernier album des Valentins en 2001, et le dernier album qu’on a produit ensemble avant de se séparer c’était A la faveur de l’automne de Tété. A la base, après ce projet, on devait réaliser un album pour Jean Guidoni et faire encore un album des Valentins. Contractuellement, on le devait à Barclay. On avait d’ailleurs commencé à faire des démos. Mais déjà pendant l’album de Tété c’était tendu entre nous. Tellement que ce serait un euphémisme de dire qu’on se chamaillait en studio. On se prenait la tête en pleine séance devant le gars. Le truc qui craint, quoi. Le disque a été difficile à finir mais on a quand même réussi, et voilà, après on s’est séparé. Mais on s’était engagé à faire le disque de Guidoni. On avait commencé à bosser dessus. Alors on s’est dit : « Bon, on arrête Les Valentins, mais on fait quand même le Guidoni ». Sauf que peu de temps après, Miossec m’a appelé pour réaliser 1964. Or je rêvais secrètement de bosser avec lui. C’était d’ailleurs un de nos points de discorde avec Edith. Avant de travailler sur un disque il fallait toujours qu’on valide tous les deux le projet à 100% et Miossec par exemple, on en avait déjà parlé et Edith, je ne la sentais pas motivée…

Pourquoi ?

C’est juste des questions d’affinités artistiques, je pense que Miossec c’était juste pas son truc. Mais c’était dans les deux sens, y avait aussi des trucs qu’elle voulait faire et qui ne me branchaient pas. Par exemple, je me rappelle qu’à l’époque elle était pas mal dans les trucs latins. C’était pas du tout ma came. Donc à force je pense qu’on avait accumulé des frustrations de ce genre. Après que Miossec m’a contacté, j’ai donc appelé Edith pour lui dire : « Je ne vais pas faire l’album de Guidoni. Ce sera enfin pour nous l’occasion de vraiment travailler touts seuls. On en a besoin.» Edith a donc réalisé l’album de Guidoni et moi celui de Miossec. Et comme avec Christophe on est très vite devenus copains et que ça marchait bien, je me suis plus investi auprès de lui. Je l’ai accompagné en tournée et on a commencé à écrire l’album d’après. Tout ça a pris du temps. Pendant toute cette période on ne se voyait plus avec Edith. Et pour finalement répondre à ta question, on a rebossé ensemble cette année, de manière ponctuelle. On s’est dit que voilà, c’était ponctuel. C’était sur le prochain album de Thiéfaine, qui doit sortir en février m’a-t-on dit.

Produire seul, ça a changé quoi pour toi ?

Pas mal de choses. Quand je bossais avec Edith on avait un peu chacun nos domaines réservés.

Elle les guitares, toi les claviers ?

Ça peut paraître paradoxal mais non, au contraire, c’était plus elle qui s’occupait des claviers et moi des guitares. C’est normal : comme elle était guitariste, c’était moi qui la dirigeais aux guitares et comme j’étais claviériste c’est elle qui me dirigeait aux claviers. Mais au-delà de nos instruments respectifs, comme un album c’est quand même une grosse responsabilité, qu’il faut rester concentré sur des choses précises et ne pas se marcher sur les pieds, on se partageait les tâches. Edith s’occupait donc de la direction des voix et moi des arrangements d’orchestres, cordes ou cuivres. Et c’est ça aussi au fil du temps qui génère des frustrations, parce que bien évidemment t’as envie de toucher un peu à tout, de mettre ton nez partout. Donc voilà, quand t’es tout seul tu te retrouves à t’occuper de tout, c’est pas mal de responsabilités. J’ai eu la chance d’être rapidement dans le bain parce quand tu bosses avec un type comme Miossec, qui attend beaucoup de toi, l’avantage c’est que t’as pas le temps de te poser des questions. En plus, au départ 1964 s’annonçait comme un album compliqué parce qu’ils avaient déjà enregistré des arrangements d’orchestre et il fallait que je les récupère et que je fasse jouer le groupe dessus, donc techniquement c’était super spé’. J’ai dû direct en découdre avec ce genre de choses. C’était un beau cadeau, mais c’était pas évident.

L’album que tu es le plus fier d’avoir produit avec Edith, c’est un Daho ou le Bashung ?

Disons qu’avec Etienne on a appris notre métier. Il nous donnait des responsabilités qu’on n’aurait pas dû avoir, parce qu’on n’avait pas la bouteille pour les prendre et qu’on bossait sur des albums qui impliquaient de grosses responsabilités budgétaires. On a beaucoup appris avec lui et par lui, parce qu’il avait plus d’expérience que nous. Donc c’était une première étape importante.

Une sorte d’adoubement ?

Non, mais adoubé, j’ai eu le sentiment de l’être après avoir travaillé avec Alain Bashung sur Fantaisie militaire. Alors que le truc dingue, c’est qu’on ne peut pas dire que c’est nous qui ayons réalisé ce disque.

Lire la suite de l’interview

Article initialement publié sur : parlhot

Crédit photo clé tous droits réservés : David Arnoux

Crédits Photos CC flickr : Denis AB; argeles-sur-mer; banlon1964; Kmeron; guillaume lemoine;

]]>
http://owni.fr/2011/05/20/jean-louis-pierot-moi-c%e2%80%99est-le-studio/feed/ 0
Henri-Jean Debon, l’homme qui faisait des (beaux) clips pour 1000 euros http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/ http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/#comments Thu, 14 Apr 2011 14:49:11 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=31551 Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Henri-Jean Debon sur OWNImusic. Réalisateur quasi “attitré” de Noir Désir, Chroniclip lui avait demandé de décrire le clip “Lost” de ce groupe. Il a notamment travaillé pour les grands comme les Thugs, Dionysos, Dominique A, Louise Attaque, etc…
Aujourd’hui, c’est à lui de prendre la parole pour nous en dire plus sur le projet LCD Videostystem, la division “low cost” de son travail qu’il a initié il y a deux ans déjà. Une vingtaine de clips a déjà été réalisée pour ce projet qui consiste en la réalisation d’un clip pour 1000€.

C’est à l’occasion d’une soirée organisée à la Péniche, le vendredi 15 Avril que nous avons souhaité en savoir plus. Dix clips de l’an 2 seront projetés et suivis des concerts de CYRZ, petit protégé des Dionysos, auteur-compositeur intimiste, et tragi-comique, LEGS, groupe parisien très Pavement et les RANDY MANDYS, de Pau, vainqueurs 2010 de l’Eurodemo (Santander), dont le nouvel album “The way we are” vient de sortir, en vinyle avec une belle pochette 3D, oui oui), que nous vous avons présenté sur OWNImusic a fait parti de ce projet et “The Wholling stoppelizzy stroke back, in your face, dammit !” en est le résultat.

LCD Videosystem est une division « low cost » de mon travail, consacrée à des groupes non signés”. Pourquoi une telle initiative au delà d’une certaine passion pour la musique et un challenge ? Est-ce un bon outil marketing pour votre carrière ?

Ma carrière ?? Hmm… J’ai réalisé par le passé des clips assez chers, certains trop chers (à titre d’exemple, “Lost” pour Noir Désir a couté 200 000 euros). Donc là, en fait de tremplin ou de progression, c’est plutôt un retour en arrière, aux tous premiers court-métrages réalisés à 14/15 ans. Je suis en période totalement régressive donc. Et puis pour ce qui de l’outil marketing, on peut difficilement imaginer pire. Pour les maisons de disque, et les maisons de productions de clips, le LCD, ça accumule toutes les tares. Déjà, c’est pauvre, ça commence mal, ils se disent “il n’a donc pas besoin de plus” et aussi “il n’a plus besoin de nous, on n’a plus besoin de lui.” Au mieux c’est suicidaire.

Ensuite, quand vous parlez de passion, je ne sais pas, mais… Ce qui est sûr, c’est que pour les réalisateurs, en général, le clip, comme la pub, c’est alimentaire. Moi, même si ça m’a nourri jusque là, je ne l’ai jamais fait comme ça. Je n’ai jamais vu ça comme un job qui nourrit jusqu’au “prochain vrai travail sérieux”. J’ai toujours trouvé ça super sérieux en fait. Les atomes crochus et les points d’achoppement entre la musique et l’image, et le récit, les rapports de fiction et de frictions entre les deux, c’est un domaine où énorme reste à faire, alors… Là, c’est peut-être aller au bout de ce raisonnement-là : l’aspect non-alimentaire de ce travail-là. Faudrait que j’en parle en ces termes à ma banque, ils seraient sûrement très émus.

J’imagine que les artistes doivent souvent avoir des envies de clips à plus de 5000€. Comment procédez vous pour conceptualiser un scénario à 1000€ et leur faire accepter ? Ou le fait d’avoir une telle contrainte budgétaire vous autorise à travailler en totale carte blanche ?

1000, 5000, 10000… Ça n’est pas là que se joue vraiment ce qu’on voit à l’image. À 100 000, oui, on pourrait commencer à voir autre chose, mais à 100 000 tout passe dans les salaires, et du coup on ne voit plus rien. L’une des idées de base du LCD c’était de se rappeler (si nécessaire) que 1000 euros, c’est beaucoup d’argent. Voilà. Pour le reste, on fait comme les autres. Il n’y a pas de carte blanche. Il y a de la confiance, et de l’envie, ce qui est différent. Je propose une idée, et si elle plaît, je tourne, je monte. Mais il n’y pas d’intervenants extérieurs aux groupes, pas de management, pas de maisons de disque, donc pas de chefs de produit ou de ce qu’on appelle les “directeurs artistiques”. On ne travaille pas non plus avec les critères de diffusion, qui changent tous les six mois. On est concentrés sur la chanson, sur ce qu’on peut en tirer. J’aurais maintenant du mal à revenir en arrière sur ce fonctionnement-là. Le mieux serait d’arriver à l’instituer, d’en avoir les moyens. Le rêve serait de faire un clip pour Britney à 1000 euros. Qu’elle vienne avec son million et qu’on lui dise “non chérie désolé nous c’est 1000 ou rien”.

Combien de temps environ acceptez-vous d’investir pour la réalisation d’un tel clip ?

Il n’y a aucune limite. J’ai passé 4 mois sur “Hollywood Babylon” pour le groupe Mad River (en faisant d’autres choses à côté, mais quand même…) Si un projet demandait un an de travail, je ne serai pas contre. D’autres clips de la série m’ont pris un jour ou deux.

Est-ce que vous travaillez seul (mise à part le groupe bien sûr) ou vous travaillez avec une petite équipe de production ?

Je travaille seul, ou avec mon amie Charlotte, qui m’assiste. Une ou deux fois, quand nous n’avions pas le choix (grosse figuration à gérer par exemple), nous nous sommes retrouvés avec une vraie grosse équipe LCD : quatre personnes. Dont nous deux bien sûr.

D’où sont tirées les images d’un clip comme celui effectué pour Danielson Family ?

De ma caméra. Nous avons gravi l’Etna, le Vulcano, le Stromboli. C’était le premier clip de la série, et pour mon groupe préféré en plus, alors il fallait payer de sa personne.

Vous est-il déjà arrivé qu’un groupe refuse le résultat final ?

C’est arrivé une fois, oui. Une fois sur les vingt premiers clips. Ça me paraît normal en même temps, on me donne beaucoup de liberté, on m’accorde beaucoup de confiance, alors… Je pourrais être étonné qu’il n’y ait pas plus de refus, mais est ce qu’on peut refuser un clip à 1000 euros ?

Comment les groupes utilisent-ils vos réalisations en général (diffusion télévisée, internet, vente…) ?

Les groupes utilisent les clips comme ils peuvent. Je veux dire : avec leurs moyens. Pour l’instant, seuls deux des clips du LCD ont été présenté aux chaînes de tv, et les deux sont passés. Ça me pousse à encourager les autres à faire pareil, mais je travaille avec des groupes qui souvent n’ont même pas de management, ni d’asso. Et les chaînes se débrouillent très bien pour décourager les petits. Présenter (je dis bien juste présenter) un clip aux chaînes, c’est un parcours du combattant, en termes de contrats, d’autorisations, de visas, de paperasse diverses… Donc peu y vont, c’est bien dommage.

Est-ce des vidéos virales deluxe que vous proposez ?

Non… Moi je préfèrerais voir tous ces clips à la télé.

Comment sélectionnez-vous les artistes pour qui vous travaillerez, si séléction il y a ?

La seule sélection, si sélection il y a, peut avoir lieu quand je rencontre le groupe. La question est de savoir si on va s’entendre, se comprendre. J’ai compris (un peu tard) que mon travail ne consistait pas à aimer un morceau, ni même à le juger. Je suis plus avocat que juge, et dans le meilleur des cas je suis un peu docteur aussi. Je suis là pour bien écouter mon patient (la chanson), pour l’ausculter avec le plus d’attention possible. Ensuite, je propose des choses, des traitements, des soins.

On sort de l’esthétique habituelle d’un plan de groupe filmé ? Est-ce une pour des raisons économiques ou esthétiques ?

Des plans de groupes filmés ? Vous parlez des scopitones ? J’aime bien ça, je trouve qu’on devrait y revenir un peu plus d’ailleurs, mais… Je ne connais aucun clip un peu “célèbre” (et même très peu parmi les autres) qui soit “un plan de groupe filmé”. Encore une fois c’est peut etre dommage d’ailleurs.

Pas de réelle différence en tout cas avec un clip à 100 000.” C’est assez provocateur comme déclaration, comment la justifiez-vous ?

Elle est justifiée dès la phrase suivante : il faut trouver quelque chose pour la chanson. Ça, ça ne change pas. Pour le reste… Encore une fois, le gros d’un budget de clip (et de film, etc…), c’est la masse salariale. Là y’en a pas Et des problèmes d’argent… On n’en a pas non plus. On n’a pas eu de limites de ce côté là… Quand on regarde les vingt premiers clips, on pourrait comparer théoriquement avec une série de clips mainstream sur M6 : nous aussi on a des bombasses autour d’une piscine dans une belle villa, nous aussi on a des dizaines de figurants, des explosions dans tous les sens, des tournages à l’étranger, des guest stars, des chorégraphies chiadées (souvent plus que les leurs d’ailleurs). Voilà, tout va bien, vraiment, on n’a pas envie de se plaindre à personne.

LCD sur Facebookhttp://hjdworkshop.free.frhttp://www.lcdvideosystem.com

]]>
http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/feed/ 1
Pop, sexe, teen-stars : cocktail gagnant http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/ http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/#comments Fri, 25 Mar 2011 12:05:01 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=31344

Yesterday was Thursday, today is Friday, tomorrow is Saturday and afterwards comes Sunday

Hier nous étions jeudi, aujourd’hui nous sommes vendredi, demain nous serons samedi et après ça ce sera dimanche. Avouez que la pop est parfois pratique pour se rappeler les bassesses du quotidien. Cette trouvaille littéraire nous vient de la très jeune Rebecca Black, adolescente californienne de 13 ans comme il en existe tant, une jeune fille pas vraiment vilaine mais pas tellement jolie non plus. Sauf que celle qui aurait dû demeurer très loin dans l’ombre des Miley Cyrus, Selena Gomez, Demi Lovato et autres poupées manufacturées par Disney, fait actuellement l’objet d’un buzz aussi démesuré que révélateur d’une fascination malsaine pour les baby stars.

Depuis sa mise en ligne le 10 février dernier, la vidéo (very) low-cost du single Friday, toute en fonds verts et effets Windows Movie Maker, a été vue près de 47 millions de fois. Pour comparaison, Born This Way, le dernier Lady Gaga sorti le lendemain, affiche un peu moins de 25 millions de vues (au 25/3). “Rebecca Black” est un trending topic mondial sur Twitter depuis mi-mars et ne montre aucun signe de fatigue. Pire que cela ? Des gens achètent la chanson ! Friday est en effet 27ème du top iTunes US (au 25 mars, elle était 42ème le 23/3) et devrait logiquement continuer de grimper…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Si Rebecca Black amuse les réseaux sociaux et donne espoir à des milliers de gamines des banlieues plus ou moins aisées de Californie et d’ailleurs, elle n’est que la partie émergée d’un iceberg de glauque pailleté façonné par Ark Music Factory, une société de production artistique basée à Los Angeles et fondée par Patrice Wilson et Clarence Jey.

Patrice Wilson et Clarence Jey entourant l'une de leurs petites protégées

Quand on regarde d’un peu plus près le fonctionnement de la structure, on s’étonne de constater que le duo de producteurs concentre ses efforts musicaux sur une typologie très spécifique de “clients” : les garçons et filles de 13 à 17 ans, qu’ils attirent grâce à des petites annonces publiées sur des sites dédiés (voir ci-dessous).

Pour une somme que l’on imagine conséquente et acquittée par les parents des apprenties starlettes (on parle de 2000$, chiffre que les intéressés n’ont pas encore commenté), Ark Music Factory offre l’enregistrement d’un titre pop des plus génériques, surchargé d’autotune (ce logiciel qui corrige la voix) pour contourner les “légers” problèmes de fausseté de la plupart des clientes. Une vidéo est également proposée dans le package, outil ultime de viralité, ainsi que l’a prouvé la jurisprudence Rebecca Black et ses 47 millions de vues. Il est bon de noter qu’Ark Music Factory dispose d’un site web qui nous ramène directement en 2001, un véritable délice pour les yeux.

Les constantes observées au sein du catalogue d’Ark Music Factory soulèvent quelques questions quant aux intentions de la structure californienne. Avec un catalogue composé majoritairement de très jeunes filles qu’on jurerait sorties d’un concours de mini-miss et dont on imagine sans peine la mère style cougar défraîchie tapie dans un coin du studio d’enregistrement, Patrice Wilson et Clarence Jey semblent vouloir compléter les efforts de l’oncle Walt Disney dans l’hypersexualisation des (très) jeunes adolescentes (voir le cas Miley Cyrus). Sauf que contrairement aux bluettes made in Disney Channel, les deux angelenos ne font pas dans la demi-mesure et la fausse impudeur. On peut douter que des jeunes filles de 15 ans à peine soient aussi au fait des méandres des relations amoureuses que leurs chansons ne le laissent croire (voir Kaya : Can’t Get You Out Of My Mind). Face aux nombreuses critiques essuyées ces derniers jours, Ark Music Factory a décidé de contre-attaquer et promet “toute la vérité” pour le 25 mars, dans une vidéo à paraître sur son site.

La pop-érotisation n’a rien de neuf, notamment aux Etats-Unis, et l’innocent le dispute souvent au glauque. On pense à JonBenet Ramsay, cette mini miss au destin tragique (elle avait été retrouvée violée et assassinée dans le sous-sol de la maison familiale, et le crime n’a jamais été élucidé), qui en son temps avait cristallisé les critiques envers une Amérique victime de son culte de la célébrité à tout prix. Autre style, destin moins tragique, mais pas moins révélateur : Britney Spears, icône pop depuis la fin des années 90, qui chantait à 16 ans “hit me baby one more time” (“chéri démonte moi encore une fois”) en jupette d’écolière. Cela bien sûr, c’était avant sa révolution sexuelle, effectuée vers 20 ans au son de “I’m a slave for you” (“Je suis ton esclave”). Sur le même modèle,son héritière “spirituelle” Miley Cyrus suit à la lettre les préceptes de son aînée, passant sans transition de Hannah Montana au mini-short en cuir.

Les enfants-stars ne datent pas des années 2000. On se rappelle les premiers pas de Liz Taylor ou de Michael Jackson et ses frères, mais là les choses demeuraient très chastes et le public les a vu grandir au rythme des adolescents lambda, plus ou moins. Le problème posé par l’hyper-sexualisation des nouvelles idoles réside dans la rapidité avec laquelle elles font leur révolution sexuelle, qui constitue leur moyen d’émancipation d’une image idéalisée de petite fille modèle. Dans Hannah Montana, Miley Cyrus joue une adolescente bien sous tous rapports, collégienne le jour et star de la chanson la nuit. Mièvre au possible, la série ne ferait pas de mal à une mouche. Sauf que son héroïne grandit, et doit s’assurer un avenir après elle. Il passe, comme pour toutes les starlettes Disney, par une carrière musicale. Celle-ci permet facilement de rendre son image plus sexy. Sauf que le public (de petites filles) qui suit ces stars évolue, lui selon un schéma bien plus lent. La distance qui se crée alors entre le role-model et ses fans se fait rapidement fossé. Le même schéma s’applique à Britney, Demi, Selena et sans doute beaucoup d’autres à venir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(Ci dessus : vidéo de la soirée de présentation des artistes Ark Music Factory)

Le dernier exemple en date ? L’arrivée des enfants de Will Smith sur le devant de la scène. Jaden, le fils de 11 ans tout d’abord, qui embrasse une carrière d’acteur en incarnant le célèbre Karate Kid dans le remake du film éponyme. Outre une large campagne de promotion dans les différents médias et un duo avec Justin Bieber sur la BO du film, le jeune adolescent s’est fendu d’une participation plutôt étonnante à une émission chinoise, au cours de laquelle les présentateurs lui ont demandé d’exhiber ses abdominaux, allant même jusqu’à les compter. Rappelons que Jaden est né en 1998.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La cadette Willow est elle aussi sur le devant de la scène, mais musicale cette fois. Son premier single “Whip My Hair”, est l’un des succès de ces derniers mois (#2 des charts anglais et 270 000 ventes, 11ème du Billboard américain). Moins sexuée que son aînée et ses collègues d’Ark Music Factory, il n’en demeure pas moins que Willow n’a plus grand chose d’une enfant lorsqu’elle est sur scène. Sauf peut-être le physique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce qui frappe le plus dans le phénomène entourant Rebecca Black, c’est la rapidité avec laquelle il s’est développé, bien aidé il faut dire par un mauvais buzz initié sur Twitter et soutenu par la vidéo postée sur YouTube. Le basculement du cercle d’initiés des réseaux sociaux au grand public a surpris les premiers autant qu’il excite le second. Alors que nombre de ces modes éphémères du web se cantonnent aux réseaux sociaux sans guère toucher davantage qu’un petit nombre d’habitués, celui-ci risque de faire de l’adolescente une star bien malgré elle.

Allez, pour finir, une parodie plutôt savoureuse, forcément intitulée “Saturday” !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Crédits photos : captures d’écran

Article initialement publié sur OWNI.fr
Retrouvez tous les articles du dossier “érotisation des enfants”:
Des soutiens-gorge “ampliformes” en taille… 8 ans
Little Miss Austin

Justin Bieber, star d’un porno ?

]]>
http://owni.fr/2011/03/25/pop-sexe-teen-stars-cocktail-gagnant/feed/ 2
DJ… et producteur : une nécessité ? http://owni.fr/2011/01/27/dj-et-producteur-une-necessite/ http://owni.fr/2011/01/27/dj-et-producteur-une-necessite/#comments Thu, 27 Jan 2011 08:49:48 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=29924 Florian Pittion-Rossillon écrit avec brio sur le monde de la nuit, et propose des réflexions et interviews de grande qualité sur son blog Culture DJ. Il s’attaque aujourd’hui à la dérive qui oblige les DJ à produire pour pouvoir exister.

Depuis plusieurs années, un DJ qui se présente à un organisateur, un média, ou même dans un dîner mondain, doit répondre à une question aussi automatique que sentencieuse : « Tu produis ? ». Gare à lui s’il répond négativement. Le DJ est une figure d’artiste par qui la musique électronique festive devient une culture mondiale, pourtant il ne peut pas exister en tant que tel.

Pour mixer en soirée, il faut avoir produit des tubes

DJ tout seul, c’est la honte… DJ tout seul, ça ne devrait plus exister. Un DJ, donc quelqu’un qui mixe des morceaux de musique entre eux, doit être capable de créer des morceaux. Un DJ qui ne fait que jouer les morceaux des autres appartient à un lumpen prolétariat qu’un business techno tente de circonscrire aux fêtes d’appartement. Il est aujourd’hui admis que pour mixer en soirée, il faut avoir produit des tubes. Ah bon.

Un DJ sommé de produire pour exister, c’est un peu comme le pilote de F1 qui devrait savoir concevoir et construire la voiture qu’il conduit. En 2011, le DJ doit produire pour exister.

Speedy Gonzales vole vers la victoire

La musique électronique fait subir à ses acteurs-clés, les DJ, un sort que le rock, la pop et la chanson, genres pourtant taxés de toutes les tares liées à leur industrialisation, ne réservent pas à leurs interprètes. La musique électronique s’est inventé une tare propre. Comme s’il avait fallu remplacer par d’autres handicaps les stigmatisations ayant ponctué ses premiers pas.

Des producteurs venus enchaîner leurs morceaux

Cela induit des biais qui touchent toute la chaîne de la culture électronique festive, centrée sur le dancefloor et donc les évènements. Cela fait plusieurs années que les plateaux de toutes les soirées de tous les sous-genres de musique électronique (electro, house, techno, drum&bass, hardcore) sont remplis à 75% d’auteurs de tubes – ou vendus comme tels par un marketing à courte vue.

Chaque génération a ses propres habitudes, en matière de production industrialisée

Conséquence : bien des DJ se produisant en soirée sont avant tout des producteurs venus enchaîner leurs morceaux… Bien des DJ se produisant en soirée sont avant tout des ingénieurs/mécaniciens qui prennent le volant de la F1… La musique électronique festive, en intégrant une contrainte dictée par l’industrie, s’est tiré une balle dans le pied.

De plus en plus souvent on s’ennuie en soirée

A tout accepter pour faire tourner la billetterie, les producteurs d’évènements ont avalé la grosse pomme du serpent de la rentabilité à court terme.

Car le délire festif que savent amener les DJ s’est envolé de bien des évènements, soirées, raves, festivals. On attend des producteurs qu’ils jouent leurs tubes, quelques exclus, un ou deux remixes de collègues producteurs. Un DJ viable en 2011, c’est celui qui saura remplir au mieux un cahier des charges prédéfini par un organisateur d’évènements. Créativité, originalité, technique aux platines pendant la prestation publique… sont devenues des options.

Le problème, c’est l’obligation

Résultat : de plus en plus souvent, en soirée et sur évènement on s’ennuie.

Attention : un DJ est légitime à produire, un producteur est légitime à mixer. Question d’envie. Pas question ici de critiquer la légitime démarche créative d’artistes désirant développer leur champ d’action. Et depuis les débuts de la techno, il existe d’illustres figures de DJ-producteurs (Plastikman, Jeff Mills, Laurent Garnier pour citer les plus vénérables, Radium, TSX ou AK47 pour les potes).

Toute éternité

C’est plutôt que les exigences suicidaires d’un système dévoyé commencent à remplir le caniveau de bébés Guetta (qui a inventé le mix sans les mains puisqu’il est tout le temps les bras en l’air).

Le problème, ce n’est pas la production. Le problème, c’est l’obligation.

L’architecture industrielle moderne a conçu des lieux accueillants pour les travailleurs enthousiastes

Cette obligation de produire qui, posée en condition sine qua non pour les DJ, révèle de façon flagrante l’immaturité marketing de la musique électronique en tant que secteur économique. Celui-ci, pour développer ses marques d’évènements, a distordu un de ses préceptes de base : la liberté du DJ dans sa sélection musicale, paramètre fondateur et pourtant oublié.

Cette logique a eu pour aboutissement la facilité à laquelle se sont livrés moult promoteurs d’évènements : faire reposer toute leur communication sur le plateau. La somme des noms affichés sur un flyer valant garantie de réussite pour une soirée. Alors que de toute éternité (et plus certainement depuis 20 ans), la qualité d’un évènement techno se mesure à l’éclat de son nom en tant que marque festive, au-delà de l’empilage de têtes d’affiches abonnées à tous les festivals.

Promesse d’ambiance

La multiplication des évènements petits ou gros et la déconvenue de certains organisateurs entraîne toutefois que soit posée de plus en plus régulièrement la question du nouveau graal du marketing festif : et la promesse d’ambiance bordel ?

Tant il est vrai que pour la techno, tout se joue sur le dancefloor.

___

Cet article à été initialement publié sous le titre de “Splendeur et misère du DJing : l’obligation de produire”

Crédits photos : Hadche, Pierre J, Nanard34

]]>
http://owni.fr/2011/01/27/dj-et-producteur-une-necessite/feed/ 6
A qui est ce tube? http://owni.fr/2010/12/30/a-qui-est-ce-tube/ http://owni.fr/2010/12/30/a-qui-est-ce-tube/#comments Thu, 30 Dec 2010 12:16:12 +0000 Francis Gosselin http://owni.fr/?p=29193 Une réflexion sur la création d’oeuvres et l’appropriation systématique de celles-ci par leurs “créateurs”. Ici, l’auteur critique la propriété intellectuelle et justifie sa position en rappelant les base du processus de création. Ça n’est pas tant pour la véracité de cette réflexion que nous publions ce texte aujourd’hui que pour sa nature interrogatrice. Alors que tout est bouleversé, toutes les notions qu’entourent le monde de la musique sont revisitées. La philosophie ayant toujours été le fondement de tout aboutissement, voici un texte de Francis Gosselin.

“Non qu’il refusât la gloire, mais celle-ci signifiait alors autre chose; j’imagine que le public auquel il s’intéressait, qu’il désirait séduire, n’était pas la masse d’inconnus que convoite l’écrivain d’aujourd’hui, mais la petite compagnie de ceux qu’il pouvait personnellement connaître et estimer.” – Milan Kundera, La Lenteur (Gallimard, 1995)

La gloire liée à l’attribution objective et nominative d’une propriété artistique promeut-elle la créativité lorsqu’elle livre aux regards de ses scrutateurs les créateurs-propriétaires qui s’érigent dès lors en idoles millionnaires ? N’y a-t-il pas de vertu à écrire des articles sans les signer, à les signer d’un faux nom, à les attribuer à d’autres, personnages fictifs ou réels ? Et si l’idée propriétaire était un piège, le trou noir social des idées nouvelles?

Il fût un temps où écrire était pénible. Enfin, écrire est toujours pénible, mais maintenant, les gamins de seize ans tapent 60 mots minute et produisent, eux aussi, des contenus en volume. Des volumes de contenus.

Ils crowdsourcent, ou plutôt, sont crowdsourcés. À défaut d’être embauchés par des multinationales bureaucratisées, ils créent pour le plaisir, et l’acte de créer a pour eux une valeur en soi. L’auditoire est précis, la plupart du temps limité. Dans cet univers, l’auteur préserve une certaine rareté, voire une rareté certaine. Le monde n’est pas plat. Un chemin est parcouru, au sein duquel beaucoup de choses sont créées et circulent : on ignore la plupart du temps d’où elles viennent, où elles vont.

À qui appartient l’idée ? Qui la protège donc ? Le cas échéant, dans quel but ? Si cette appropriation dirigeait vers l’auteur les regards critiques et les commentaires normatifs ayant valeur de propositions constructives, ne l’enfermerait-on pas dès lors dans une danse qui requerrait la cohérence rationnelle, interdisant l’exploration ?

En fait, la propriété de l’art a ceci d’étrange qu’en élevant le créateur au rang de mythe, elle dénature l’oeuvre, et réduit le processus de création à un simple acte de production. Regarder l’avenir – comme l’atome, ou l’artiste – le change. L’artiste propriétaire est un entrepreneur capitaliste qui crée, puis exploite à l’infini les droits sur sa création : un droit de monopole qui en fait un rentier oisif. S’il réussit, il se retrouve au centre d’une machine qui articule pour lui la production et la distribution de son travail.

La machine construit le sens social autour de l’oeuvre : on le regarde travailler, on décrit ce travail. La machine referme le monde sur l’artiste et l’artiste sur le monde. Devenu riche et célèbre de son vivant, il perd en quelque sorte le statut d’artiste, car la divergence lui est interdite. Le mythe de l’artiste pauvre repose sur ce constat, que rémunération et gloire affectent négativement la création : ils l’encadrent et incitent à la mimésis, détruisent la contestation normative. Ils font du créateur un prosélyte de sa propre contemporanéité.

Un être bassement politique. I am what I am, écrit Reebok. Produire pour la masse informe et anonyme – celle qui est car elle est – est bien garante de production, mais non de culture. La culture de masse, Adorno l’a bien montré, est la fin de la culture.

On clame pourtant que gloire, célébrité et richesse sont nécessaires. Pour justifier la machine symbolique du déclamateur de masse, on soutien qu’en leur absence, le monde n’aurait engendré ni le feu, ni la roue, ni Kundera ni aucun autre. Par ce discours, l’auditoire, bien que toujours présent à l’esprit du créateur, devient la finalité. Il faut vendre. À quiconque.

Mais pourquoi faut-il donc que la masse des inconnus aime ainsi a priori ? Pourquoi niveler, plutôt qu’élever une oeuvre à un stade requérant un effort d’interprétation ? N’est-ce pas justement cette obsession de la gloire et de la célébrité qui a rendu le cirque politique absolument abscons, méprisé par tous et par toutes, même par ceux qu’y s’y prêtent ? Et si on acceptait que certaines créations n’appartiennent qu’à quelques destinataires choisis ?

La forme nécessaire de la durée, contre la plastique propriété

Le soin de partager les mots, les sons et les images devrait nous servir de guide, de leitmotiv incontestable. Nous héritons d’un riche héritage artistique et culturel que nous rendons, par notre travail de transformation, disponible aux autres. C’est ainsi que s’érige la valeur politique de l’art, par la reformulation toujours en cours, jamais complète, des mêmes mythes fondateurs qui nous appartiennent à tous.

A contrario, le culte de la vitesse et de l’aplatissement du monde, qui autorise les plus absurdes excentricités artistiques (de Damien Hirst à Lady Gaga), n’ont d’effets politiques qu’a posteriori. Ils captivent par le spectaculaire-plastique et construisent des discours qui servent de justification ex post à des actes esthétiquement planifiés mais politiquement insignifiants.

Comme ils s’adressent à tous, ils ne s’adressent à personne. Leur existence, insipide et peu amène à une société des philosophes, n’est rendue possible que par l’acceptation lascive d’un système illégitime de propriété des idées. Illégitime tant dans ses fondements que dans les effets, inégalitaires et injustes (surtout sur le plan artistique) qu’il engendre. Les idoles monopolistiques surfent sur du vent, à grands renforts de monopoles construits pour “encourager les créateurs”, alors qu’il est convenu qu’ils ne créent rien, mais empruntent tout.

Ils s’abreuvent à même la sédimentation des lieux communs qu’ils recrachent à grands renforts de médias, instrumentalisation des rentes du monopole pour justifier le monopole. Ils reproduisent le contenu et le contenant : ils ne créent rien, ils reproduisent. Ils n’existent que pour la masse informe, cible politique du marché des symboles. Ils n’ont ni destinataire, ni destination.

La propriété intellectuelle des oeuvres artistiques fait en sorte que ceux qui réussissent à encercler les mythes fondateurs en se les appropriant réussissent de facto à imposer les produits de cette appropriation comme seuls légitimes. Ils sont encouragés par le cirque politique. La pénalisation du prétendu “pirate” ne fait qu’affirmer le monopole symbolique de ces monopoles culturels.

Cette démarche exclut l’activation d’un levier majeur de l’exception culturelle – le jugement ! – et réduit le débat à un non lieu juridique. Chemin faisant, on désigne la célébrité – “la voilà”, dit-on – en regardant la machine productrice de symboles, ce qui mène à conclure que, puisque la machine tourne, il y a forcément création. On jette le bébé. Puis l’eau du bain. On ne garde finalement rien de bon. En remettant à plat les droits de détention et d’exploitation de l’oeuvre, le cirque politique refuse d’agir subjectivement et d’interjeter en faveur du Beau, aux dépens des représentations plastiques qui aveuglent. Comme si toute création était égale…

Enfin, l’acte de création ne se satisfait que très rarement de produits finis, plastiques et emballés. En témoignent les multiples élaborations intermédiaires des architectes, pour qui sketches et maquettes constituent l’essence du travail, un work in progress, vers un but jamais atteint, ou enfin, toujours imparfaitement. Car l’oeuvre de l’auteur, comme celle de l’artiste, n’est jamais qu’un ensemble difforme de productions, une oeuvre totale à laquelle chacune des parties n’est finalement qu’une contribution infime.

Ce n’est pas là où on prends les idées, qui compte, mais enfin là où on les amène, disait Godard.

Facile, diront certains, l’architecture est l’une des disciplines où création et attribution participent d’un même mouvement. Pourtant, même (et surtout) en architecture, ce sont l’ensemble des ébauches et des articulations intermédiaires de l’oeuvre qui constituent le creuset de la création véritable. L’oeuvre architecturale, une fois construite, “n’appartient” plus au créateur.

Ainsi, l’impossible perfection du “ça” et du “là” que tentent de mettre en scène et de protéger les chorégraphes de la pop-culture, n’est finalement qu’un leurre adolescent qui, à force d’expériences infructueuses, se solde par la mise en garde de Frank Gehry sur cette immaturité créatrice : “there is no there” ; il n’existe pas de chose telle qu’un produit culturel fini. Les sketches, comme les maquettes de l’architecte, sont parfois volontairement déconstruites. Car la richesse esthétique de l’acte créatif repose, justement, dans la nature essentiellement incomplète de toute oeuvre.

Ainsi, le monde des arts, comme l’ensemble des activités de remise en scène des mythes fondateurs (ce que nous nommons, par convention, création), ne sont en fait que des étapes d’un lent processus d’accumulation et d’expérimentation des formes, des sons et des couleurs du monde.

On se surprend même que, sur un tel chemin, certains soient parvenus à faire reconnaître une propriété quelconque sur un tronçon unique, sans alternatives, et sans égard au chemin parcouru. Ils s’approprient ainsi, et étrangement, une part significative de l’incomplétude du monde. Ils posent sans humilité leurs noms en grandes lettres sur le mur de l’Histoire. Ils altèrent les possibles, obligeant un retour aux sources, sources à partir desquelles peut-être d’autres rivières formeront leurs lits. Nous creusons des digues. En attendant.

Remerciements à Jules Lacoste et Jean-Jacques Stréliski, ces êtres chers qui m’inspirent, au même titre, sinon davantage, que ce très cher Kundera, que j’admirerai éternellement. Encore que sans Denis Roy, Émilie Pawlak et Pierre-Antoine Lafon, cet article eût été impossible.

Artiicle initialement publié sur: Mosaic

Crédits photos CC flickr: http: Akmar Simonse; zigazou76; Alessandro Pinna

]]>
http://owni.fr/2010/12/30/a-qui-est-ce-tube/feed/ 2
Bilan de la première édition parisienne du MaMA http://owni.fr/2010/10/20/bilan-de-la-premiere-edition-parisienne-du-mama/ http://owni.fr/2010/10/20/bilan-de-la-premiere-edition-parisienne-du-mama/#comments Wed, 20 Oct 2010 10:29:35 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=27182 Le MaMA s’est installé cette année pour la première fois à Paris, avec pour objectif de réunir les professionnels des musiques populaires pour deux jours d’échanges, de conférences et de rencontres mais aussi de concerts. Quel bilan peut-on tirer de la manifestation qui entend bien s’installer durablement ?

Année 1 : bilan satisfaisant

L’équipe d’OWNImusic a arpenté le XVIIIème arrondissement parisien deux jours durant à l’occasion de la première édition du MaMA, le salon professionnel des “musiques populaires”. L’éditon 2009, qui avait eu lieu à Bourges en amont du Printemps a en effet été qualifiée d’année “zéro” par son fondateur Daniel Colling lors de la conférence de presse de clôture des festivités, samedi soir. Trois raisons à ce déménagement : la proximité trop immédiate du festival, qui faisait de l’ombre au salon, une volonté d’internationaliser la manifestation (il est plus facile de faire venir les intervenants étrangers à Paris) et enfin l’absence de subvention de la part du Cher.

L’arrivée du salon dans la capitale, le premier du genre à Paris (aussi étonnant que cela puisse paraître), marque pour son équipe dirigeante la volonté d’instaurer des rencontres professionnelles à l’échelle internationale. Une telle initiative n’existait jusqu’alors pas en France, à l’exception du MIDEM qui n’est pas à proprement parler un événement français. De ce point de vue, on peut parler de réussite : 1926 professionnels ont en effet été accrédités, parmi lesquels 30% d’internationaux originaires de 39 pays.

Bonne organisation, belles occasions de rencontres, convivialité et rythme convenable, le MaMA a choyé ses participants en proposant des ateliers professionnels “speed meeting” mais aussi des cocktails tout aussi efficaces pour initier des contacts intéressants.

L’industrie de la musique, cette géronto-phallocratie

Pour ce que est des conférences, que vous avez pu suivre via notre compte Twitter lorsque les connexions wifi le permettaient, notre avis est plus mitigé. Si les sujets abordés s’inscrivaient pertinemment dans les problématiques auxquelles l’industrie fait actuellement face, on peut regretter que nombre d’intervenants étaient issus de la “vieille” industrie de la musique.

Ainsi, les conférences, plutôt que de favoriser un réel débat entre les participants (sans parler du public), se sont souvent bornées à des échanges de points de vue poliment écoutés par les uns et les autres. On pense notamment à la conférence du vendredi après-midi intitulée “Un nouveau modèle économique pour les musiques populaires ?”, qui n’a pas vraiment tenu ses promesses, malgré la qualité des intervenants.

Autre point qu’un certain nombre de membres du public a noté : l’absence flagrante de femmes dans les panels. Certes il reflète la phallocratie inhérente au business de la musique, mais on peut s’interroger : y a-t-il si peu de femmes capables de prendre part aux débats qui agitent l’industrie ?

Quant à la pertinence de s’interroger sur l’état de celle-ci en 2025 (conférence Muzik2025 au studio 128, samedi après-midi), elle a fait sourire. Voir un panel majoritairement issu de “l’ancienne génération” de dirigeants donner des leçons et imaginer un futur alors même qu’ils ont clairement échoué (pour le moment ?) a construire un présent satisfaisant pour leur secteur semblait pour le moins ironique. Ou alors peut-être avons nous l’esprit mal placé.

Une suggestion pour l’an prochain ? Donner davantage la parole à ceux qui cherchent (et trouvent) des solutions pour dynamiser l’industrie de la musique, tous ces dirigeants de start-up ou services innovants, qui s’ils n’ont sans doute pas le poids ni la respectabilité de leurs aînés, pourront probablement ouvrir d’intéressantes perspectives pour un public qui les aurait accueillies avec plaisir.

Quant à l’avenir justement, Daniel Colling a évoqué la possibilité d’étendre la durée du MaMA à trois jours, le jeudi et vendredi étant réservés aux professionnels et le samedi davantage tourné vers les publics. Des publics qui n’ont d’ailleurs pas été négligés cette année avec pas moins d’une soixantaine de concerts dans les salles avoisinantes (Divan du Monde, Cigale, Boule Noire, 3 Baudets…) et les bars du quartiers, répartis sur deux soirées. C’est d’ailleurs une des grandes réussites de cette édition, la programmation minutieuse ayant eu de quoi satisfaire les spectateurs, qui d’ailleurs n’ont pas boudé les diverses manifestations, les concerts affichant un taux de remplissage de 95%.

Pour notre part, nous notons que cette première véritable édition du MaMA a posé de bonnes bases que nous avons hâte de voir confirmées l’an prochain. Il est certain que Paris se devait d’accueillir une telle manifestation, espérons maintenant qu’elle se pérennisera et saura s’imposer sur la scène internationale. C’est sans doute son enjeu majeur.

Crédits photos : MaMA / FlickR CC : Dunechaser

]]>
http://owni.fr/2010/10/20/bilan-de-la-premiere-edition-parisienne-du-mama/feed/ 2
Pourquoi vous devriez payer pour la musique http://owni.fr/2010/08/14/pourquoi-vous-devriez-payer-pour-la-musique/ http://owni.fr/2010/08/14/pourquoi-vous-devriez-payer-pour-la-musique/#comments Sat, 14 Aug 2010 10:35:40 +0000 Jon Sheldrick http://owni.fr/?p=24701 Jon Sheldrick est un ingénieur son faisant parti de l’équipe de MuseAmi, mais aussi le chanteur du groupe Fatty Acid. Vous pouvez écouter sa musique et la télécharger sur fattyacid.bandcamp.com.

Mettons les choses au clair : j’aime la musique libre. Si un musicien décide de distribuer librement un album, je suis le premier à le télécharger. Je suis contre les poursuites de la RIAA (SACEM américaine) qui attaque les gens qui partagent de la musique.

Plutôt que de faire peur aux gens pour qu’ils achètent de la musique, je plaide pour une culture dans laquelle les gens veulent dépenser de l’argent pour la musique, parce qu’ils comprennent les répercussions positives qu’il a sur la production musicale, et sur la vie des artistes qui la créent.

Payer pour la musique: un bénéfice

Ce que j’espère faire dans les paragraphes qui vont suivre, c’est vous convaincre que le fait de payer pour de la musique bénéficie non seulement aux artistes que vous souhaitez supporter, mais vous bénéficie aussi à vous en tant qu’auditeur.

Je ne vais pas faire un long argumentaire juridique. Il pourrait se justifier, mais il n’est pas pertinent dans la pratique. Une loi est efficace seulement si vous avez les moyens de la faire respecter. Et à moins que quelque chose d’énorme se passe dans le monde de la régulation de l’Internet, personne ne peut réellement forcer les gens à arrêter de partager de la musique.

Après tout, si il n’y avais plus de contrôle des billets à l’entrée d’un concert, on peut imaginer que les revenus générés par les concerts chuteraient aussi vite que les ceux des ventes de CDs.

Le problème est que beaucoup de gens n’estiment pas la musique à sa juste valeur. Qu’est que je veux dire par là ? Je comprends parfaitement que les gens évaluent la musique par rapport au plaisir qu’elle leur procure et au fait qu’ils aiment bouger la tête en écoutant leur iPod. Cependant, ils ne l’évaluent pas au point de payer volontairement un euro par piste, ce qui aiderait ainsi l’artiste qui a fait ce son à continuer de produire cette musique géniale.

Si j’essaie de vous convaincre d’acheter votre prochain album, je ne vais pas y arriver en essayant de vous effrayer avec des arguments abstraits sur les droits d’auteur.

J’avais l’habitude de télécharger illégalement au lycée. Je me souviens quand Napster est arrivé. C’était incroyable. C’était rapide, gratuit, et la musique était livrée à la demande; qu’est ce qui aurait pu être mauvais à propos de ça ! Je peux dire, en toute honneteté, que je n’avais aucune conscience à quel point cela pouvait avoir un impact négatif pour un musicien, jusqu’à ce que je sois moi même dans cette position.

Après le lycée, je suis allé à l’université de New York en espérant devenir ingénieur du son. Au même moment, j’ai commencé à enregistrer ma propre musique, dans l’espoir d’en vivre un jour. Dans l’objectif de m’ouvrir de plus larges perspectives dans le business de la musique, j’ai décroché un stage dans un label indépendant. J’y ai vu des artistes avec une certaine notoriété, se poser la question de savoir si ils pourraient enregistrer un autre album. La demande était là, mais le public ne payait pas pour le produit qu’il affirmait tant aimer. Cela avait pour conséquence directe que les artistes n’enregistraient pas d’albums, purement et simplement. A la place, ils s’embarquaient pour d’incessantes tournées, ne consacrant que très peu voire pas du tout de temps à l’écriture et à l’enregistrement de nouveaux titres.

A cette période, j’ai aussi commencé à chercher du travail dans les studios d’enregistrement. Là j’y ai vu un des effets du partage de fichiers mp3 auxquels on ne pense pas immédiatement. Les musiciens ne pouvaient plus se permettre de payer des ingénieurs sons (qui sont eux même des artistes talentueux dans leur domaine).

Music for pay my loan

"I need a dollar dollar, a dollar is what I need"

Au fur et à mesure que les ventes de musique continuaient à décliner, les studios New Yorkais mettaient peu à peu la clé sous la porte. Et ce n’était pas les majors qui subissaient le plus, mais les petits studios indépendants. Ce n’étaient pas parce qu’ils créaient des produits inférieurs. C’était la conséquence direct du fait que les gens ne payaient plus pour la musique. Cela a induit une baisse de la qualité de la musique produite, ne serait ce que pour les artistes indés qui n’ont pas un million d’euro à claquer dans la production d’un album.

En voyant ce qui se passait autour de moi, j’ai pris le temps de réfléchir. Si je voulais être ingénieur son dans un studio, comment pouvais-je télécharger de la musique illégalement ? Ce serait complètement hypocrite de ma part de télécharger un album pour rien, et dans le même temps espérer que quelqu’un serait prêt à me payer pour travailler sur un autre.

J’ai réalisé que si je voulais que les choses changent, je devais commencer par moi-même. Ne nous voilons pas la face, la meilleure façon de supporter un artiste est financière. Bien sûr, vous pouvez parler de sa musique à vos amis et re-tweeter ses appels à soutien, mais cela ne vas pas nécessairement lui permettre de produire plus de musique.

Au final, quel est l’utilité d’un fan qui parle de votre album a 1000 amis, si aucun d’entre eux ne l’achète ? Ces gens pourraient venir voir le groupe en concert, mais les lives et les enregistrements ont des budgets et des coûts complètement différents. Lorsque vous allez voir un concert, cela ne compense pas l’album que vous avez téléchargé en peer to peer. Le prix de votre place paie les techniciens, l’ingénieur son, le régisseur de la tournée, l’essence, la location du van, et peut être, si ils sont chanceux, les musiciens. Cela réduit le rôle de la musique enregistrée, à n’être qu’un outil de promotion pour vendre des places de concert et des t-shirts. La musique ne devrait elle être qu’un moyen ?

La musique enregistrée produit une expérience d’écoute unique et enrichissante, et les auditeurs devraient s’efforcer de la préserver. Les fans devraient respecter les souhaits de l’artiste. Si un musicien vous demande de payer pour un album, vous devriez respecter le temps et l’effort qu’il a consacré à sa création, et payer pour cela.

Peut être que les gens ne se soucient pas tant que ça de savoir comment les artistes gagnent leur vie pourtant, cela a des répercussions pour l’auditeur. Premièrement, je vous le garantis, cela vous procurera une expérience d’écoute plus enrichissante. Vous aurez un enregistrement à la hauteur des souhaits artistiques de l’artiste. Vous l’écouterez plus. Comme vous savoureriez le goût d’une bouteille de vin très chère, vous savourerez plus la musique que vous aurez acheté.

Acheter un album rendra également plus facile pour un artiste d’en produire un autre, ce qui signifie qu’après avoir dégusté et apprécié cet enregistrement, vous aurez encore plus vite accès à unnouveau. C’est par essence un deal gagnant/gagnant.

Listening Bear

La musique, un monde de bisounours?

Vous ne me croyez pas ? Essayez ! Attendez patiemment la date de sortie de l’album d’un de vos groupes préférés, comme vous attendriez qu’un délicieux plat cuise au four. Quand il arrive, prenez le temps de bien vous installer et lancer la lecture. Vous arriverez à la fin de l’album avec le sentiment gratifiant que vous avez permis à l’artiste que vous aimez de continuer à créer de la musique magnifique, que vous serez en mesure de tweeter dans un futur encore plus proche !

Au final, on se retrouve confronté à une question morale. Malheureusement dans le monde de la musique, comme dans la vie en général, la voie morale n’est pas toujours la plus facile à prendre. Comme Platon le disait “La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée”. Dans cette optique, la musique est au moins aussi importante que l’air que nous respirons. Je vous exhorte à méditer là dessus.

A quel point la musique est importante pour vous ? Comment elle affecte positivement votre vie ? J’espère que vous serez nombreux à aboutir à la même conclusion que moi, même si vous n’avez pas des gros moyens, 10 dollars pour un album que vous pourrez écouter 100 fois c’est une putain de bonne affaire.

Article initialement publié sur HuffingtonPost.com

Illustrations CC FlickR par shankar, shiv

Traduction et adaptation : Valentin Squirelo


]]>
http://owni.fr/2010/08/14/pourquoi-vous-devriez-payer-pour-la-musique/feed/ 19
Twitter : le totalitarisme volontaire ? http://owni.fr/2009/11/26/twitter-le-totalitarisme-volontaire/ http://owni.fr/2009/11/26/twitter-le-totalitarisme-volontaire/#comments Thu, 26 Nov 2009 15:06:27 +0000 Ysengrimus http://owni.fr/?p=5752

Titre original : TWITTER représente-t-il la mise en place tranquille et ordinaire du totalitarisme volontaire ?

Ce n’est pas mon genre de bougonner contre la technologie vibrante et innovante et mes vues sur le dispositif d’interaction sociale Twitter ne feront pas exception. Sur ces questions, toujours hautement fascinantes, je pense en permanence à ce cher vieux Alexander Graham Bell (1847-1922) en train d’inventer la transmission à distance par fil des sons intégraux. Le bon patenteux canadien croyait dur comme fer que le nouvel objet technique qu’il introduisait allait permettre exclusivement aux personnes souffrantes d’écouter un concert en direct sans s’y rendre… La notion de téléphone telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est mise en place après l’appropriation par Bell du dispositif technologique requerrant son fonctionnement. Le téléphone tel qu’on le pratique de nos jours (pratique qui, elle aussi, est en pleine révolution) est un objet social autant qu’un objet technique. Comme le disait si bien Gilles Vigneault: On fabrique des chaises, on sait pas qui va s’asseoir dedans… Rutherford Hayes (président des USA de 1877 à 1881) doit lui aussi être invoqué ici, en absolue priorité. Pourquoi? Parce que le hautement obscur Hayes fut le premier président à justement utiliser un téléphone à la Maison Blanche… L’Histoire n’a pas fait grand cas des résistances qu’il rencontra (certainement) alors. Méditons ici son modeste héritage et évoluons dans les technologies de communication, bondance…

Mais évoluons dans les technologies de communication, bondance…

Mais évoluons dans les technologies de communication, bondance…

Il s’avère de fait que le dispositif Twitter suscite de la jubilation à ceux qui s’y adonnent et, effet de mode ou démarrage en force, cela fonde déjà sa validité plus que quoi que ce soit d’autre. Le plaisir fait partie des plaisirs, s’il-vous-plait, plait-il… J’ai même entendu un commentaire parfaitement convainquant me donnant le sentiment net et indubitable que Twitter peut s’avérer suprêmement commode pour des tas de gens. De fait, une femme politique californienne expliquait, il y a quelque temps, que Twitter lui permettait de rendre compte directement, disons, d’une réunion de travail à laquelle elle avait participé sur un dossier sensible, sans devoir subir le filtre des médias et des journalistes s’interposant entre la communication telle qu’elle entend la mettre en place et le public s’intéressant aux questions politiques qu’elle traite. Il est hautement intéressant de se dire que les personnalités publiques peuvent s’adresser à qui s’intéresse à leurs actions sans se taper les distorsions journalistiques d’usage. Le mérite de l’innovation technique est déjà là, entier. Les remous savoureux se manifestent eux aussi, naturellement (Il semble que l’Allemagne vive déjà son Twittergate. Le nom du président élu aurait été coulé avant le temps, sur Twitter). C’est un cas d’espèce finalement assez similaire à celui des ci-devant célébrités sans intermédiaire, qui inquiètent tellement tant de petits esprits bien en place.

Ceci dit et bien dit, Ysengrimus est un vieux loup dont le poil se hérisse souvent dans le frisson du souvenir des luttes ordinaires de jadis. Revenons un quart de siècle en arrière. Je travaillais à l’époque dans un atelier lexicographique (un atelier de production d’articles de dictionnaires) et l’administration du service décida un beau jour que la production était trop lente et elle voulut voir plus précisément le détail fin de toutes les étapes du travail. On nous imposa alors de remplir des fiches  rendant compte de nos activités heure par heure (de vraies fiches en carton qu’on tirait d’un tiroir oblong qui glissait doucement et sentait le vieux vernis). Deux groupes se formèrent alors dans l’atelier. Ceux et celles qui jugeaient que c’était là un micro-management (le mot n’avait pas encore cours, mais l’idée, bien plus ancienne, y était bel et bien) inacceptable, une intrusion patronale indue dans le détail quotidien de la tâche et, en plus, que la susdite intrusion se déployait comme une agression permanente sur le sens éthique des travailleurs. Et, de l’autre côté, se polarisèrent ceux et celles qui jugeaient que la meilleure façon de pouvoir faire piger au patron que la lenteur du travail tenait à sa difficulté inhérente et non à de la perte de temps illégitime était, justement, de tenir, scrupuleusement on non, ce type de journal de bord. On assista ni plus ni moins à la lutte de la confiance bafouée contre la transparence défensive. Ce fut épique. Les deux camps avaient une seule opinion en commun, capitale. Ils jugeaient en conscience que tout le temps investi à décrire le travail en cours risquait de tout simplement… ralentir encore plus le travail effectif lui-même, aux fins d’un peaufinage de sa dimension de spectacle pour le garde-chiourme. Quiconque travaille de nos jours à la production d’un bien ou d’un service, par exemple dans le secteur informatique, pourra témoigner de la version électronique contemporaine de ce totalitarisme de la description suivie et détaillée des activités en cours. Vous me voyez venir, n’est ce pas? Mais faisons encore un tout petit détour vers le téléphone portable. Les jeunes travailleurs et travailleuses tertiarisés de notre temps vous parleront, les sourcils froncés, de ces emplois de différentes natures où il est exigé de disposer d’un téléphone portable pour obtenir le boulot. Le talkie-walkie Star Trek portatif contemporain vous rend automatiquement disponible 24 heures sur 24 à votre employeur qui ne se prive pas pour profiter de la chose, à ce qu’on me rapporte. Difficile de résister à cela désormais, le téléphone portable faisant, au jour d’aujourd’hui, si profondément partie de nos mœurs ordinaires.

Et, futurologistes de troquets cassez vos crayons une fois de plus, c’est dans ce contexte social hautement improbable qu’apparaît pourtant, flamboyant et sabre au clair, Twitter, un dispositif vous permettant de volontairement rendre des comptes au tout venant à propos de l’intégralité de vos activités, minutes par minutes. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il faut admettre que c’est quand même parfaitement intriguant. C’est toute notre conception de la vie privée qui vire de bord et bascule dans une autre direction, subitement, une fois de plus (la première fois, c’était avec Facebook). Effet de mode? Il faudra voir comment les choses se placent à terme. Souvenons-nous prudemment des fantasmes futurologiques mal avisés d’Alexander Graham Bell… Mais, si vous me permettez, admettons quand même ensemble qu’il n’est pas besoin d’être Georges Orwell pour supputer que le patronat micromanagérial de notre temps va vite flairer l’aubaine. On peut supposer que, fort bientôt, pour obtenir le boulot, il faudra se raccorder à un Twitter quelconque, interne à l’entreprise, et la version fulgurante des fiches de chiourme de mon atelier lexicographique de jadis deviendra une norme comportementale, une sorte d’automatisme parfaitement incontournable pour être «professionnel(le)». Ce n’est plus seulement un Big Brother autoritaire à l’ancienne qui vous suivra alors pas à pas, mais un collectif de senteux anonymes, un aréopage de juges sociaux et comportementaux pouvant choper, commenter, orienter, influencer, manipuler, nos actions, en instantané.

Je ne suis pas en train de faire de l’alarmisme. Il s’agit plutôt ici d’un de ces raisonnements un peu abstraits mais relativement plausibles qui pétaradent dans certains esprits face à une nouvelle invention jaillissante. Le fondement de ce raisonnement est, lui, par contre, un fait objectif imparable, qui définit essentiellement la fameuse innovation Twitter: pour la première fois dans l’histoire connue, les communicateurs de tous calibres et leur public adhèrent en masse à un mécanisme les invitant à diffuser (et à se faire diffuser) en continu un carnet d’activité micro-détaillé. Ils le font, en plus, par choix, joyeusement, allègrement, compulsivement même dans certains cas (ça, ce pourrait être lui, l’effet de mode, mais bon). C’est inouï, incroyablement nouveau et, l’un dans l’autre, parfaitement incroyable. La propension totalitaire se tissant en sous-main ici n’a rien de nouveau, elle, par contre… C’est le fait de voir les masses se ruer la fleur au fusil pour se rallier à son étendard qui déroute et dérange passablement. Vient-on d’inventer (ou… de réinventer), tout tranquillement, le totalitarisme volontaire? Continuons de jouer avec Twitter et voyons lucidement la direction dans laquelle ça s’engage.


» Retrouvez l’article original et les commentaires liés sur les Carnets d’Ysengrimus

]]>
http://owni.fr/2009/11/26/twitter-le-totalitarisme-volontaire/feed/ 6