Hacks/Hackers:|| quand le journalisme rencontre la technologie
Interview exclusive avec Burt Herman, le fondateur d’un groupe réunissant journalistes et développeurs qui viennent de créer 12 applications iPad en 36 heures. Né dans la Silicon Valley, Hacks/Hackers aimerait bien s’étendre au-delà des frontières US... à commencer par l’Europe.
Il s’appelle Burt Herman. Il a été correspondant et chef de bureau d’Associated Press pendant 12 ans. Puis il a compris que le monde de la presse avait tout intérêt à se tourner durablement vers la technologie. Il a alors créé Hacks/Hackers, un groupe qui réunit journalistes et développeurs autour d’événements, de forums en ligne pour organiser des modes de coopération et des compétitions. OWNI l’a interrogé pour vous.
Comment avez-vous eu l’idée de Hacks/Hackers ?
L’idée m’est venue après avoir été en 2008-09 le boursier de la Knight Fellowship for Professional Journalists à l’université de Stanford [au cœur de la Silicon Valley NdT].
Alors que le journalisme connaît d’importants bouleversements, nous avons une énorme chance de redéfinir la façon avec laquelle l’information est rassemblée et consommée. Certes, n’importe qui peut aujourd’hui transmettre de l’information sur un évènement en envoyant des tweets ou des images depuis un smartphone. Mais il y a encore besoin des journalistes pour donner un sens à tout cela et la technologie peut les aider à gérer cette immense masse d’informations.
Aussi, alors que les informaticiens sont en train d’apprendre la façon avec laquelle les gens interagissent avec la technologie, nous devrions appliquer ces enseignements au journalisme.
Pourquoi le nom « Hacks/Hackers » ?
Le choix du nom a débuté avec « hackers ». Je voulais utiliser cette expression car un vrai « hacker » est quelqu’un qui utilise tout ce qu’il peut trouver pour finir le boulot. Dans la Silicon Valley, cela a une connotation positive qui s’applique à un développeur dégourdi.
Ensuite, j’ai essayé de penser à un mot qui puisse évoquer l’univers journalistique tout en se mariant bien avec le précédent et je suis tombé sur « hack », qui en argot américain veut dire « journaliste ». Le nom Hacks/Hackers représente l’esprit « par le bas » [grassroots NdT] de l’organisation.
Comment avez-vous commencé l’aventure ?
J’ai créé un groupe sur meet.up et nous avons eu notre première rencontre en novembre 2009 dans un bar de San Francisco. A partir de là, c’est allé très vite : nous comptons plus de 600 membres dans le monde. Nous avons également tenu des événements à Washington et Chicago et le premier événement newyorkais est prévu pour le 2 juin.
Que faîtes-vous concrètement pour connecter les mondes de la presse et de la technologie ?
Nous avons organisé des événements mensuels qui ont attiré des professionnels du monde de la technologie (Google, Yahoo ou Twitter) ainsi que du monde de la presse (San Francisco Chronicle ou San Jose Mercury News) sans oublier les startups journalistiques et technologiques.
Ce week-end nous avons tenu notre premier atelier hacker-journalistique avec le but de développer in situ des applications pour l’iPad et les autres tablettes. Plus de 80 personnes ont construit 12 applications en 36 heures. A la fin de l’événement, les équipes ont présenté leur travail à un jury comprenant un venture capitalist, un entrepreneur du monde de la techno et des journalistes. Les projets gagnants sont une application d’informations à destination des enfants et un site qui contient des reportages sur les représentants politiques les plus proches de votre localisation géographique.
Par ailleurs, je suis en train de passer des paroles aux actes en lançant ma propre société de journalisme et technologie: je suis le co-fondateur d’une startup avec Xavier Damman, un développeur belge installé à San Francisco. Nous travaillons au développement d’applications en journalisme et notre premier produit s’appelle Publitweet, qui rend les contenus de Twitter plus lisibles pour ceux qui ne l’utilisent pas d’habitude. L’application est déjà utilisée par des grands sites francophones tels que Le Monde et Libération mais aussi Le Soir en Belgique en plus de différents sites américains.
Nous travaillons actuellement à une application visant à faciliter la création d’articles puisant dans les contenus du web social.
Pourriez-vous nous donner une ou deux anecdotes qui illustrent l’esprit d’Hacks/Hackers ?
Grâce à des utilisateurs de Twitter, j’ai découvert que je n’avais pas été le premier à penser à ce nom. Deux grands noms de la communauté réunissant journalisme et techno – Aron Pilhofer du New York Times et Rich Gordon de l’école de journalisme Medill de la Northwestern University – l’avaient déjà proposé pour une communauté en ligne. Finalement, nous sommes entrés en contact et nous avons décidé de mettre en commun nos efforts.
Au de là de ça, la grande force de ce réseau est l’entraide. Le site question/réponse sur les sujets relatifs aux médias et à la techno marche très bien. Les gens réalisent que nous pouvons gagner beaucoup plus en travaillant ensemble et en apprenant les uns des autres !
Comment financez-vous Hacks/Hackers ?
Jusque là, j’ai payé moi-même tout en faisant appel aux dons lors des événements et en trouvant quelques sponsors. Nous sommes en train de faire de Hacks/Hackers un organisme à but non lucratif et nous recherchons des sponsors et des fondations pour soutenir nos initiatives visant à construire le futur du journalisme.
Des initiatives comme la vôtre sont assez rares en Europe où le monde de la presse semble retranché dans sa tour d’ivoire. Pensez-vous qu’Hacks/Hackers soit « exportable » au Vieux Continent ?
Oui ! Nous avons déjà détecté un intérêt en Europe où des gens ont adhéré à notre groupe. Nous serions ravis d’élargir Hacks/Hackers là-bas et de coopérer avec des journalistes sur place pour organiser des événements. J’ai travaillé autour du monde en tant que chef de bureau et correspondant de l’Associated Press pendant 12 ans et je serais heureux d’aider à connecter le monde de la presse et de la technologie partout ailleurs.
Le journalisme et l’information ouverte sont essentiels pour une société qui veuille fonctionner et garder les gouvernements et les entreprises responsables face aux citoyens.
Interview et traduction: Adriano Farano
L’interview en anglais est disponible ici
Illustration CC Flickr par cstmweb
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